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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/496

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poursuites. Ils s’étaient retirés au fond des campagnes, errant de village en village, vêtus du sarrau rustique, protégés par le paysan et vivant de sa vie, travaillant parfois la terre à ses côtés et continuant néanmoins leur héroïque apostolat. Après le décret consulaire sur la liberté des cultes, il y avait eu explosion de christianisme, réapparition de cette Église à la fois souffrante et militante. En beaucoup d’endroits, le peuple tirait lui-même les prêtres de leurs cachettes ; il les ramenait d’autorité dans les églises et leur enjoignait de reprendre publiquement le culte, sans se soumettre à aucune formalité. En particulier, dans certaines régions du centre, telles que la Haute-Loire et la Lozère, il y avait eu ivresse de liberté religieuse, griserie de délivrance, enthousiaste méprise sur la véritable portée des décrets de Bonaparte. Les paysans de la Lozère criaient : « Nous avons été assez esclaves, nous voulons que le culte s’exerce publiquement. » Ailleurs, reprenant l’église par force, ils disaient, que « formant la plus grande masse de la nation, ce n’est que pour eux que cette église est destinée, qu’elle leur appartient et qu’ils veulent absolument user de la liberté des cultes accordée par la loi et par les arrêtés des Consuls. » La lutte contre la Révolution se faisait au cri de : « Vive la liberté ! » Ces effervescences étaient maintenant réprimées, mais les prêtres surgis de terre, sortis des bois, restaient en vue, animés de sentimens divers à l’égard du gouvernement, qui n’exigeait plus d’eux qu’une promesse de fidélité. D’autre part, les prêtres restés ou retournés en exil se remettaient à rentrer, à s’insinuer par les frontières de terre et de mer, d’un mouvement d’abord incertain.

Parmi les prêtres reparus ou rentrés, quelques-uns signèrent tout de suite la promesse de fidélité à la constitution. Le plus grand nombre s’y refusa. Ces nouveaux réfractaires se sentaient retenus par d’honorables scrupules, par la crainte d’adhérer à un pacte confirmatif de dispositions odieuses à leur conscience, telles que le bannissement à perpétuité des émigrés et la vente des biens ecclésiastiques. Puis, ces prêtres de l’intérieur continuaient d’obéir aux évêques du dehors, aux évêques émigrés, et ceux-ci, par zèle monarchique, se montraient en majorité hostiles à la promesse, qui impliquait reconnaissance de la forme républicaine. Beaucoup de prêtres avaient eux-mêmes en exécration le seul mot de République et conservaient la foi monarchique. Ces dévots du trône autant que de l’autel