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et ne paraissant jamais le jour, il ne serait possible de les arrêter qu’en faisant des visites domiciliaires à des heures où on ne pourrait pénétrer dans les habitations sans violer la constitution. » Ce préfet du Consulat regrette le bon temps de l’arbitraire directorial. C’est dans son département que l’on verra pendant quelque temps encore des messes furtivement célébrées à minuit, des groupes de fidèles brutalement dispersés et maltraités, d’ignobles sévices, des épisodes dignes de la Terreur. A l’autre extrémité de la France, le préfet de la Haute-Garonne prend un arrêté général d’expulsion contre les insoumis. Cet exemple est imité par plusieurs de ses collègues. En d’autres départemens, on ne voit plus que des répressions individuelles à propos d’infractions à l’ordre légal ; çà et là, la gendarmerie pourchasse un prêtre qui s’est indûment emparé d’une église ; un prêtre est arrêté et poursuivi pour sermon séditieux ; un prêtre de la région rhénane est reconduit à la frontière pour avoir décrié le nouveau système d’instruction publique.

En général, les préfets tâchent plutôt d’incliner les prêtres à la promesse par persuasion et raisonnement ; ils essayent de leur démontrer que cet engagement civil n’a rien qui puisse blesser leur conscience et altérer la pureté de leur orthodoxie. Parfois, on se contente d’une promesse accompagnée de restrictions verbales ou écrites, qui réservent les points délicats. On obtient ainsi un certain nombre de prêtres amphibies, à peu près soumis, quoique partiellement réfractaires. Quelques préfets s’inspirent d’une véritable pensée de tolérance et reconnaissent même la vertu sociale de la religion ; d’autres, modérés en politique, restent foncièrement ennemis de la religion et des prêtres. Ils signalent les insoumis comme éternels adversaires de l’Etat républicain, contempteurs des lois, agens de réaction, corrupteurs du peuple, et épuisent contre eux le vocabulaire traditionnel de la Révolution, mais ne se pressent pas de sévir, car ils savent que le vent souffle d’en haut à la tolérance et que peut-être on leur pardonnera plus aisément un défaut qu’un excès de zèle.

Le gouvernement ne se fait pas une règle uniforme d’indulgence ou de sévérité. Il laisse la difficulté religieuse se décentraliser, en quelque sorte, et abandonne les préfets à leurs inspirations, ce qui souvent les embarrasse, ou il se détermine selon les cas, selon les lieux. Il en vient à respecter l’état d’esprit de certaines populations dites arriérées, ensevelies « sous la rouille