sa place, son autel de forme antique, son décor et ses emblèmes. Tous les dix jours, les maires et adjoints viennent le célébrer, interrompant la messe ou les vêpres. Ils lisent et commentent le Bulletin des Lois, sermonnent laïquement, avec accompagnement d’orgue et de. chants, mais ils remplissent dans le désert leur fonction quasi curiale ; dans l’église qui se vide instantanément, ils restent à peu près seuls ; ainsi délaissés, ils écourtent l’office obligatoire, l’expédient au plus vite et s’en acquittent comme d’une désagréable corvée.
Parfois, devant la poussée catholique, le culte décadaire évacue spontanément l’église et plie bagage. A Laon, le mobilier décadaire est transporté de la cathédrale à l’Hôtel de Ville, et les autorités président elles-mêmes à ce déménagement. Dans la cathédrale d’Auch, l’autel décadaire, installé jusque-là au milieu de la nef, est relégué dans un des bas côtés. Dans la cathédrale de Tonnerre, les catholiques en possession des bas côtés et du chœur prétendaient ravoir également la nef, car beaucoup de nos églises restaient divisées en domaines respectifs, en compartimens rivaux ; elles étaient morcelées entre les différentes religions comme les sanctuaires de Palestine entre moines ennemis.
Le culte ancien empiète parfois au dehors et tend à redevenir public, malgré les lois prohibant au-delà de l’enceinte consacrée toute manifestation quelconque, tout signe, tout emblème chrétien. Une procession se hasarde çà et là à sortir de l’église. Le peuple retourne aux lieux de pèlerinage, aux sources miraculeuses ; dans le Calvados, les autorités permettent d’y aller, mais par scrupule révolutionnaire s’efforcent de laïciser ces sources, en affirmant que la science leur a reconnu une vertu curative. En maint endroit, on voit encore des prohibitions, des violences et des petitesses dignes de l’époque précédente ; la tendance générale n’en est pas moins à un retour de bon sens. Le culte est moins astreint à s’enclore strictement et à se calfeutrer dans son local, comme une industrie honteuse. On n’est plus au temps où, dans une commune d’Indre-et-Loire, un prêtre était condamné à 100 francs d’amende et à un mois de prison « pour s’être permis de paraître sur le seuil extérieur de la porte du temple en habit sacerdotal ; » où, à Meaux, il était défendu pendant la journée de laisser les portes de l’église ouvertes, de peur que les passans, en voyant du dehors les crucifix et les cierges, ne songeassent à faire le signe de la croix et à s’agenouiller ; on