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encore qu’il révèle estime et confiance d’un côté, déférence de l’antre, ne donne pas les résultats qu’on en avait espérés. Le Roi tient à ses idées, quoi qu’il en dise, et, on plus d’un point, son correspondant les trouve dangereuses. Peut-être la querelle amènerait-elle un refroidissement si Blacas n’était là pour le conjurer. Il admire Joseph de Maistre ; il est en train de conquérir son amitié, et il s’applique à lui faire oublier qu’après lui avoir demandé son avis, on n’a voulu admettre ni les critiques qu’il formulait, ni les corrections qu’il proposait. L’incident se dénoue sans blessure pour de Maistre ; il n’en conservera aucun souvenir irritant et même, ayant reçu une lettre flatteuse du Roi, il termine sa réponse par ces mots : « Je croyais. Sire, n’avoir plus rien à laisser à mon fils ; je me trompais. Je lui léguerai la lettre de Votre Majesté. » Mais, désormais, c’est le comte de Blacas qui sera l’intermédiaire entre lui et Louis XVIII et, sauf deux lettres écrites à d’Avaray en 1807, c’est dans sa correspondance avec Blacas qu’on trouvera les informations et les avis qu’il juge utile de faire parvenir au roi de France.


III

Nous avons raconté précédemment[1], — et il nous suffit de le rappeler, — comment, pendant le séjour que le comte de Blacas fit en Russie, de septembre 1804 à juillet 1808, naquit entre lui et le comte de Maistre une amitié que les années, en s’écoulant, devaient fortifier et rendre indestructible. A l’arrivée de Blacas à Saint-Pétersbourg, et bien que le hasard lui eût fait prendre domicile dans la maison qu’habitait le ministre de Sardaigne, les circonstances étaient telles qu’il avait cru devoir dissimuler le caractère de leurs relations bien vite devenues affectueusement confiantes. « Il ne m’est venu voir que la nuit et seul, mandait Joseph de Maistre au comte Rossi, premier ministre de son roi, en lui parlant de Blacas. Dans le monde, je le salue froidement, sans lui parler. » Mais ils purent bientôt se départir de cette réserve, et leur amitié prit alors ouvertement son essor.

Il est, d’ailleurs, à remarquer qu’aucun de ses biographes n’en a parlé et qu’il n’en existe que d’imperceptibles traces dans sa

  1. Voyez la Revue du 13 juillet 1906.