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victoire finale de l’industrie allemande. Le Creusot, de son côté, ne négligea pas de défendre ses intérêts. Après de longues tergiversations, le gouvernement serbe finit, en août 1905, par demander de nouveaux essais au polygone et envoya, pour y assister, une commission de dix officiers. Les expériences eurent lieu, au Creusot, du 9 décembre au 14 janvier 1905 ; elles furent marquées par quelques incidens d’importance insignifiante, dus à des modifications récentes apportées à la pièce, mais qui permirent à quelques membres de la commission, et plus tard à l’opposition parlementaire, de se prononcer contre les canons Schneider, bien que les essais chez Krupp et surtout chez Scoda eussent été faits dans des conditions bien moins satisfaisantes. Au retour, les membres de la commission se partagèrent : qu’il nous suffise de dire que les spécialistes des questions d’artillerie furent précisément ceux qui se prononcèrent pour le canon Schneider et que les raisons alléguées par les autres n’appartenaient pas toujours à l’ordre technique. Les intrigues, à partir de ce moment, recommencent avec plus d’âpreté et plus d’acharnement. Les usines d’Essen avaient eu, depuis 1871, une sorte de monopole de fait pour la fourniture des canons aux gouverne- mens étrangers ; mais, en ces dernières années, les progrès de l’artillerie à tir rapide ont été tels, en France, que la Bulgarie, la première, rompant en visière à l’opinion courante, commanda tout son matériel de campagne au Creusot. Le Portugal, l’Espagne, ont depuis suivi son exemple : la Serbie, à son tour, allait-elle déserter les usines allemandes ?

La question devenait d’autant plus délicate qu’elle se liait étroitement à celle de l’emprunt et à celle du traité de commerce. L’Autriche, persuadée que la Serbie ne pourrait supporter longtemps la rupture des relations économiques avec elle et la fermeture de la frontière, faisait de la commande des canons à l’industrie autrichienne une condition de la reprise des négociations pour le traité de commerce. Mais, d’autre part, le gouvernement serbe ayant décidé de contracter un important emprunt, précisément pour payer les nouveaux canons et augmenter son réseau de chemins de fer, ne pouvait se passer ni du concours des financiers français, ni de celui du gouvernement de qui dépend l’admission à la cote de la Bourse de Paris. C’est sur le marché français que tous les emprunts serbes ont été émis et c’est là que, cette fois encore, le gouvernement du roi Pierre trouvait