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les conditions les plus avantageuses. L’emprunt 5 p. 100 de 1902 avait été émis, à Paris, par les banques, à 90 ; en 1905, les financiers offraient à M. Patchou de lui fournir 110 millions à 4 et demi pour 100, pris brut par les banques à 83,50 ; le premier cabinet Pachitch tomba précisément devant l’opposition faite à son projet, et il fut remplacé par un cabinet de « jeunes radicaux » ou « indépendans, » présidé par M. Lioubomir Stojanovitch ; le nouveau ministre des Finances négocia avec les banques autrichiennes un emprunt de 70 millions à 4 et demi , dans des conditions si désavantageuses qu’elles amenèrent la chute du Cabinet et le retour au pouvoir de M. Pachitch et des « vieux radicaux. » M. Patchou reprit aussitôt les pourparlers avec le groupe français ; mais les financiers mettaient comme condition à l’émission de l’emprunt que le gouvernement de Belgrade se serait au préalable mis d’accord avec celui de Paris pour l’admission du nouveau titre à la cote et pour les commandes à faire à l’industrie française.

M. Pachitch et ses collègues se trouvaient ainsi dans un étrange embarras. S’ils s’adressaient à la France pour la commande des canons, comme ils en avaient toujours manifesté l’intention[1], ils étaient assurés d’y trouver de bonnes conditions pour leur emprunt, mais ils risquaient de se heurter à une porte close, quand il s’agirait de reprendre les pourparlers pour le traité de commerce avec l’Autriche-Hongrie, et de perpétuer le conflit économique ; si, au contraire, ils accordaient la préférence aux usines allemandes, ils retombaient sous la tutelle dont ils avaient espéré s’affranchir. M. Pachitch eut le mérite de savoir prendre son parti et de s’y tenir. À la première note du cabinet de Vienne, nous avons vu qu’il avait eu l’art de répondre en affirmant la liberté, pour la Serbie, de choisir ses amitiés et de faire ses commandes et ses emprunts où bon lui semblerait. Au mois de septembre, le bruit courait à Belgrade que le comte Goluchowski préparait une nouvelle note pour couper court à toute négociation ; mais, à la suite, dit-on, d’un voyage à Vienne du ministre d’Autriche à Belgrade, ce fut au contraire une note de ton conciliant qui fut reçue, le 30 septembre, par le ministre des Affaires étrangères de Serbie. Le gouvernement de Vienne

  1. Voyez, sur ce point, les documens publiés dans le Livre bleu serbe : Correspondance diplomatique concernant les négociations pour la conclusion d’un traité de commerce avec l’Autriche-Hongrie du 3-16 mars au 24 juin 1906.