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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/666

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prétendu ligotter leur essor, et à créer des unités plus puissantes, fondées sur une réalité ethnique ou historique et disposant par elles-mêmes de tous les moyens de vivre et de se développer. C’est (le cas de la Serbie. Sur la carte, le royaume de Serbie actuel est loin de recouvrir faire occupée par la race, la nationalité ou la langue serbe ; il ne coïncide pas non plus avec l’ancienne Serbie historique ; presque tous les pays qui entourent les frontières arbitraires que les traités lui ont données sont serbes comme lui. Le Monténégro est, autant que la Serbie, un État serbe. Entre le Danube et la Save, cette Syrmie dont on découvre, du haut de la forteresse de Belgrade, les vastes et riches plaines, et au Nord du Danube, plusieurs districts méridionaux de l’ancien banat de Temesvar sont habités par des populations serbes. Au Sud, la Vieille-Serbie, jusqu’au Char-Dagh, est peuplée de Serbes orthodoxes perpétuellement décimés par des Arnautes musulmans ; elle fait partie du vilayet turc de Kossovo. La Bosnie et l’Herzégovine , qui dépendent nominalement de l’Empire ottoman, mais que l’Autriche occupe et administre en vertu du traité de Berlin, sont peuplées de Serbes. Serbe encore, avec un mélange d’Arnautes, l’ancien sandjak de Novi-Bazar qu’administrent les Turcs, mais où les Autrichiens ont trois garnisons. Enfin, les Croates de Croatie qui forment un royaume rattaché à la couronne de Saint-Etienne, les Croates de Dalmatie, dont le pays est une province de la monarchie cisleithane, et les Slovènes eux-mêmes sont, sinon Serbes, du moins Slaves et proches parens des Serbes par la race et la langue. Tout cet ensemble de populations forme la famille des Slaves du Sud-Ouest ou Jougo-Slaves, actuellement émiettée en groupes distincts et parfois ennemis, mais qui tendent à chercher un centre de cristallisation et esquissent, à travers les frontières, des tentatives de rapprochement. L’art des politiques austro-hongrois consiste à entretenir les divisions et à rendre toute union impossible entre les diverses branches du grand tronc jougo-slave. Il y a des Serbes en Serbie, mais il y en a aussi en Hongrie, en Croatie, en Bosnie, en Turquie, au Monténégro ; il y a des Croates en Croatie, mais il y en a aussi en Dalmatie, en Bosnie, et jusqu’en Istrie. La Bosnie-Herzégovine, occupée par les Autrichiens, s’interpose entre la Serbie et les Croates ; le sandjak de Novi-Bazar sert de passage entre la Bosnie et la Macédoine et sépare les Serbes du Montenegro de ceux du