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places comme l’homme, sans autres distinctions que celles de la capacité, des vertus et des talens, elle fonda le féminisme, — et le féminisme politique. Elle terminait sa déclaration par ces mots : « La femme a le droit de monter à l’échafaud ; elle doit avoir celui de monter à la tribune. » La Convention, peu troublée, envoya Olympe à l’échafaud, mais Olympe ne mourut pas tout entière, La Révolution de 1848 vit se lever ses premières descendantes, Icariennes, Vésuviennes et Blooméristes, enthousiastes, naïves, et lyriques. Le second Empire, puis la troisième République en produisirent d’autres, sinon plus nombreuses, en tout cas moins romantiques, plus réalistes, plus entêtées aussi, mieux organisées, avec des idées plus nettes, un programme plus défini. Le féminisme existait : il était plutôt antireligieux, et politique à tel point qu’un de ses membres les plus considérables, Mme Chéliga, a pu dire qu’on y retrouvait exactement tous les partis politiques de la Chambre. Ce n’est pas que certaines de ses revendications ne fussent très justes. Et d’ailleurs quelques-unes ont été discutées, acceptées, puis exaucées : aujourd’hui, par exemple, les femmes peuvent être témoins, elles ont le libre accès de beaucoup de carrières qui leur étaient fermées, elles peuvent être élues aux tribunaux de commerce. Il est évident d’autre part que les articles du Code sont plus souvent rédigés contre la femme qu’en sa faveur, et que le législateur est trop persuadé qu’elle est inférieure à l’homme. On voudrait que tout séducteur fût atteint par des pénalités plus sévères, sinon que, à l’imitation de l’Amérique et de l’Angleterre, il fût obligé de ne pas manquer aux promesses de mariage qu’il fait avec tant de facilité. On voudrait que la femme pût disposer librement de ses biens, ou de ses gains. On peut même souhaiter que la recherche de la paternité soit en quelque manière autorisée, comme elle l’était avant la Révolution, à condition d’éviter toutefois les dangers qu’elle présente par les mensonges qu’elle favorise. Mais les féministes les plus passionnées et les plus tapageuses sont justement celles qui, sans beaucoup s’intéresser à la réussite rapide de ces réformes pratiques, ont tout de suite été aux plus grands excès, résolument matérialistes, révolutionnaires et sectaires, avides de briser, sous prétexte d’affranchir l’humanité, tous les liens de la société et de la famille, adjurant ou somm.int qu’on instituât l’union libre, leur idéal, et qu’immédiatement on leur accordât le droit de vote et d’éligibilité,