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des foules, convertit à la foi catholique Jeanne Dessalle appelée enfin à son lit de mort pour y baiser l’image du divin Crucifié.

Telle est, sans parler des ouvrages purement pittoresques, des Poèmes et des Nouvelles de Fogazzaro, la suite de ses œuvres les plus représentatives ; tel est, croyons-nous, le terrain sur lequel se développe d’une façon éclatante (la magnifique floraison qu’anime la sève vigoureuse de son âme. Nous allons voir ce développement suivre la même courbe ascensionnelle que celui de la pure théorie.


III

Malgré son âme avant tout religieuse et malgré sa volonté d’accomplir par l’art une mission morale, — et nous nous convaincrons dans la suite qu’il faudrait dire à cause de cette âme et à cause de cette volonté, — le romancier a fait de l’amour le centre de toute son œuvre d’imagination. C’est l’amour qui domine dans Malombra, comme dans le Mystère du poète, comme dans Daniel Cortis : il domine même la trilogie du Petit Monde d’autrefois, du Petit Monde d’aujourd’hui et de Il Santo. Sans doute cet amour est bien celui que nous avons vu embelli et justifié par l’évolutionnisme ; l’amour qui tend à affranchir l’homme de l’instinct pour l’élever jusqu’à Dieu en passant par la passion la plus ardente ; mais ce serait une grave erreur que de le considérer comme une sorte d’amour cérébral et purement intellectuel, ou comme un mysticisme étrange et malsain. Les héros de Fogazzaro connaissent l’amour qui prend tout l’être et s’y subordonne toutes choses, qui accapare l’intelligence, les sentimens et la volonté, qui s’érige en maître unique, non par l’anéantissement des autres facultés, mais par leur absorption ; ils connaissent l’amour qui magnifie la nature et qui en décuple les forces, celui aussi qui fait gémir, pleurer et râler dans la souffrance ; ils ne se contentent pas de raisonner leur sentiment, ils sentent profondément, ils vibrent, ils sont pris jusqu’en leurs fibres les plus intimes, ils sont emportés par la passion. Le poète n’aime pas à la façon de Dante ni même à celle de Pétrarque ; il ne s’enthousiasme pas pour un idéal abstrait, plus ou moins symbolisé. Non ; il aime la femme et il aime une femme. Il tend à l’union la plus parfaite et à la confusion de leurs êtres. Seulement, c’est de Dieu qu’il a reçu la loi d’amour