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acquérir, par l’exercice incessant et la lente conquête de sa volonté, la pleine et définitive maîtrise de soi. C’est ainsi que dans la morale de Fogazzaro, comme dans la morale catholique, point n’est besoin d’action éclatante et que la vertu réside dans la pratique assidue des petits devoirs quotidiens. Benedetto prend bien soin de le répéter : il estime que celui-là glorifie le Père le plus magnifiquement, qui accomplit strictement sa tâche obscure avec le plus de perfection. Déjà Enrico s’écrie, dans Miranda :


Partout où on combat, un poste m’est réservé ! Pour toute foi altière qui m’affranchit un peu plus de la boue asservissante, pour tout puissant amour, pour tout mépris qu’il éveille en moi, soldat, en avant !


Plus tard, c’est Cortis qui est « une force motrice, « et dont le poste aussi est « en avant, très en avant ; » il repousse l’amour, si l’amour contredit à son devoir : il méprise l’opinion, si elle s’oppose à sa conception du devoir ; il brandit sa bannière qui est « d’un seul morceau, pour être solide, » et il marche !

Pourtant, ces âmes qui ne songent qu’à s’élever et à mépriser toute bassesse, elles ne sont point superbes ; elles ne sont point orgueilleuses. La première vertu de Benedetto, c’est l’humilité ! Nous ne croyons pas qu’il y ait dans toute la littérature moderne un seul roman où cette vertu apparaisse comme la dominante de l’œuvre, ainsi qu’a eu la hardiesse de le faire Antonio Fogazzaro. Or, ceci nous paraît un critérium décisif de son pur catholicisme.


V

Comment donc Fogazzaro est-il un catholique orthodoxe, fidèle, soumis, et comment cependant se pose-t-il en réformateur, c’est ce qu’il nous reste à rechercher dans Il Santo.

L’Église catholique, apostolique et romaine détient la vérité, toute la vérité, et elle est seule à la détenir ; Benedetto le déclare avec force à ceux de ses auditeurs qui sont précisément inquiets de ne pas reconnaître en l’Église la souveraine maîtresse de vérité. Et l’on sait que Benedetto, c’est notre auteur lui-même, nous livrant sa vie, son expérience, son esprit, son âme tout entière :