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exécutée à Meudon, puis démontée et transportée à Chamonix. Le poids total des matériaux s’élevait à 15 tonnes, et représentait 700 à 800 charges de porteurs. Par mesure de prudence, on divisa la route en quatre sections, avec étapes aux Grands-Mulets (3 000 mètres) et au Grand-Rocher-Rouge (4 500 mètres). La première section, qui comprenait la route de Chamonix à l’entrée du glacier, permettait encore l’usage de mulets. La deuxième, qui aboutissait aux Grands-Mulets, où se trouve une auberge appartenant à la commune, s’enfonçait en plein glacier, et le transport ne pouvait être effectué qu’à dos d’hommes. On avait construit, à la station des Grands-Mulets, une cabane de dépôt et de refuge pour les porteurs. Le trajet de cette station à celle du Rocher-Rouge, qui n’est qu’à 300 mètres du sommet, formait la troisième section. On avait eu soin de construire à cette dernière station une cabane d’habitation où les charpentiers et autres travailleurs pouvaient passer la nuit et se mettre à l’abri en cas de mauvais temps.

Tout l’été de 1892 fut employé à la construction de l’observatoire, à son transport à Chamonix, à l’organisation des étapes et des transports ; mais il fallut encore la campagne de 1893 pour terminer ces transports, qui, soit dit en passant, ont coûté 40 000 francs. Un accident avait même failli tout compromettre : un dépôt de matériaux, placé au Rocher-Rouge, avait disparu au printemps ; on finit par le retrouver sous une couche de neige de 8 ou 9 mètres.

Pendant quelques mois, ce grand glacier du Mont-Blanc, dont les ressauts figurent comme les marches d’un escalier gigantesque, offrait donc l’aspect d’un chantier où se succédaient les files de porteurs ou d’ouvriers manœuvrant des treuils, disposés de distance en distance pour faire franchir aux pièces les plus lourdes les grandes pentes, d’un accès si dangereux. Enfin, les matériaux étaient en place, et les charpentiers de Meudon pouvaient commencer à monter l’édifice. Favorisés par une quinzaine de jours d’un temps absolument calme, ils purent terminer leur ouvrage le 8 septembre, et M. Janssen, impatient de le voir de près, résolut d’entreprendre une nouvelle ascension, en se servant, cette fois, des treuils pour hisser son traîneau. Il arriva au sommet le 11, dans l’après-midi, et y resta quatre jours, occupé surtout d’observations du spectre solaire, à l’aide d’un beau spectroscope à réseau, de Rowland.