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Rois. Je ne puis d’ailleurs m’empêcher de croire à une rédemption quand je songe aux victimes qui ont été livrées. Je mourrai donc paisiblement avec cette foi, car je dois mourir bien avant la fin de ce tremblement de terre. Considérez d’ailleurs ceci. Combien de choses merveilleuses se sont faites et qui ne pouvaient se faire que par un usurpateur ! Le roi de France pouvait-il descendre de son trône pour venir conturber les docteurs d’Allemagne, déchirer le traité de Westphalie, arracher le sceptre aux sans-culottes de Berlin, casser l’épouvantable mariage fait au XVIe siècle entre la souveraineté et le protestantisme, faire parler le français jusque sur la Baltique, etc., etc. ? Le roi de France n’avait ni ce pouvoir, ni ce vouloir ; il ne pouvait pas même rêver de pareilles choses. Cependant, elles sont faites par celui qui pouvait les faire. Maintenant, je vous demande si l’on peut imaginer quelque chose de plus grand, de plus sublime, de plus divin et par conséquent de plus probable que celui d’un Bourbon porté par un hosanna universel sur ce trône, après qu’un usurpateur universellement détesté en serait tombé par un coup de foudre ; qui arriverait au milieu de tous ces débris, avec tant de puissance et tant de moyens de reconstruction, fort de ses réflexions, de ses expériences, de ses intentions, voyant tous « les yeux tournés sur lui, appelé à pacifier et à rassainir l’Europe, connaissant tous ses amis et tous ses ennemis ? Ce coup d’œil est éblouissant. Je m’y tiens, et je n’abandonnerai jamais ces raisonnables et délicieuses espérances.

« Je vous avais prévenu dans tout ce que vous me dites, ou plutôt dans tout ce que vous vouliez me dire sur un certain chapitre. Ceux qui croient connaître les constitutions politiques dans les livres sont de pauvres gens. On ne peut les étudier et les connaître que sur les lieux. Vous me faites beaucoup trop d’honneur, mon cher comte, en croyant que je pourrais influer sur quelques déterminations, dans le pays où vous êtes ? Je me croirais le plus fat des hommes si je permettais à une telle pensée d’approcher seulement de mon esprit. Je crois au contraire que je suis très peu fait pour ce pays, ce qui fait qu’en l’admirant, je l’ai toujours craint. Ainsi, je n’ai nulle envie d’y aller. Cependant, comme un illuminé de premier ordre m’a dit en Suisse, l’an de grâce 1797, en me regardant avec des yeux uniques et avec l’assurance que j’aurais si je vous disais que je