complexes l’envelopperont ; il passera par des modulations errantes, incertaines, d’où le nescio quid amari du vieux poète surgira. Mais surtout le salut du jeune officier de marine aux splendeurs retrouvées de la nature orientale, cet hymne, comparable, pour le sentiment en quelque sorte cosmique, à celui de Vasco de Gama (quatrième acte de l’Africaine), mêlera d’une étrange manière, à la joie, presque à la volupté dont l’exotisme nous enivre, l’inquiétude et presque la douleur dont il nous tourmente. Alors nous nous partageons, nous nous divisons contre nous-mêmes. Tandis qu’une moitié de nous s’abandonne, l’autre essaie encore de se refuser ou de se reprendre. Un paysage, — du moins un de ces paysages-là — n’est pas toujours un état d’âme seulement. Il peut en être deux, comme dans les pages que nous tâchons d’analyser. Et parce qu’elles expriment ce conflit, parce que, tout en étant pittoresques ou descriptives, elles sont humaines, et deux fois humaines, elles sont aussi les plus belles que M. Messager ait jamais écrites… et que peut-être il écrira.
D’autres soins vont bientôt l’occuper, ou le « divertir, » et le prendre tout entier. Désormais il devra se renoncer lui-même. Qu’un musicien pareil ait été nommé directeur de l’ « Académie nationale de musique, » c’est tant mieux pour la musique en général ; mais pour sa musique à lui, du moins pour celle que de lui nous pouvions attendre encore, c’est grand dommage qu’on ait fait choix d’un pareil musicien.
Plus heureuse que Madame Chrysanthème, après quinze ans de silence aussi, Thamara de nouveau s’est fait entendre. Hélas ! quatre ou cinq fois seulement. Méconnue à l’origine et tout de suite oubliée de la foule, sinon de l’élite, elle aurait mérité qu’on l’écoutât plus souvent. Elle le mérite toujours. Parmi les opéras, je dis les « grands opéras, » de son âge, il n’en est pas tant, si même il en est un seul, qui soient aussi dignes de rentrer au répertoire, et d’y rester.
Professeur et compositeur, érudit, mais artiste aussi, M. Bourgault-Ducoudray n’est pas, comme d’aucuns pourraient le croire, un singulier musicien, mais au contraire un musicien double. Il l’est en effet par la connaissance et par le sentiment, par la science et par l’amour. Ce qui, pour d’autres que lui, n’ayant que la moitié de ses dons, serait un sujet de recherches archéologiques, d’études abstraites et mortes, il en a fait l’élément original et fécond, l’esprit et l’âme de ses œuvres vivantes.
La musique ancienne et la musique étrangère, celle de tous les