à ce qu’elles contiennent de plus humain. C’est ce qui l’intéressait lui-même après tant d’années ou de siècles écoulés, lui, le bourgeois de la petite ville de Chéronée, et ce qui l’intéressait comme homme, non comme Grec d’origine, ou comme citoyen de l’Empire. Voyez plutôt, à cet égard, comment ses biographies sont composées, ou encore, et avant cela, demandez-vous les raisons qu’il a eues de concevoir et de traiter l’histoire sous cette forme de la biographie. C’est qu’au fond, si nous sommes curieux de quelque chose en histoire, ce n’est pas de savoir les événemens ni les dates, comment fut gagnée la bataille de Salamine, ou comment Auguste fit l’Empire, mais c’est des « hommes » qui ont joué leur rôle dans ces événemens, et de l’exemple qu’ils sont pour nous. Le drame authentique de la vie, voilà ce que nous cherchons dans l’histoire, et par où le passé nous attire. « Des cas humains représentés au vif, » c’est l’expression d’Amyot lui-même, dans sa Préface des Vies, et rien ne saurait mieux rendre ce qui fait l’attrait des biographies de Plutarque. Ce ne sont pas ici des « inventions, » des « fictions, » mais l’expérience même. Toutes ces choses sont arrivées, ou du moins Plutarque le croit, et ses lecteurs aussi, — car, naturellement, ce n’est pas à nous de discuter en « critiques » la valeur des récits de Plutarque, — et elles sont arrivées en tels temps, en tels lieux, dans de telles conditions, à tels hommes dont nous savons les noms et la personne. Voilà comment Alexandre est mort, et comment Jules César. Nous lisons dans nos écoles les discours de Démosthène et ceux de Cicéron. Voici dans quelles circonstances ils les ont prononcés. Pourquoi celui-ci a-t-il gagné la victoire de Salamine, et celui-là perdu la bataille d’Actium, vous allez le savoir. Vous allez savoir quels furent leurs desseins, leurs ambitions, leurs passions, et à travers quelles aventures ils en ont atteint ou manqué l’objet. Et comme ce sont là des questions en quelque sorte « éternelles, » de là le caractère d’universalité des biographies de Plutarque : elles ont été « vécues, » sans même en excepter celles de Lycurgue ou de Numa Pompilius ; et de là leur caractère de « réalisme » ou de vérité. A quoi si nous ajoutons que grâce au choix des personnages, roulant toutes, comme elles font, sur des « intérêts d’Etat, » l’anecdote et la particularité s’y relient à la « grande histoire, » j’entends celle des mouvemens de fond qui, à travers les siècles, ont transformé l’humanité, ou achèvera sans doute d’en
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