comprendre le prestige. L’un des mérites, et non le moindre, de la traduction d’Amyot a d’ailleurs été, je ne sais comment, d’effacer ce qu’il y a quelquefois de vulgaire dans cette conception de l’histoire à la Plutarque.
Les Œuvres morales et mêlées de Plutarque appellent des observations du même genre. Et d’abord, c’est là que l’auteur laisse entrevoir sa « médiocrité. » Non pas que, quand il le faut, il ne parle fort bien, même de philosophie, et notamment, je ne crois pas que nous devions à personne plus de renseignemens qu’à lui, ni de plus exacts, sur la philosophie stoïcienne. Mais il a un goût fâcheux pour les petites questions, les questions familières, dont l’enchaînement, il est vrai, forme la trame de la vie quotidienne, et pour les grandes, il a une manière pratique de les traiter, qui les rapetisse. Ce défaut, qui achève de le caractériser comme bourgeois de sa petite ville, et qui peut-être n’en est pas un, qui nous semble en tout cas moins grave qu’à nos pères quand ils se faisaient de la « littérature » une idée trop aristocratique, ne lui a pas nui. Je crois même qu’il faut dire : Au contraire ! et, en effet, c’est une forme de l’ « universalité » que de prendre intérêt à beaucoup de petits faits que dédaignent les « beaux esprits. » On a aimé dans les Traités de Plutarque beaucoup de choses qu’on y trouvera plus tard inutiles, oiseuses, fastidieuses. Cependant la connaissance de la « cuisine » des anciens n’est pas étrangère à l’idée générale que nous pouvons nous faire de leur civilisation, et l’homme ne vit pas uniquement de pain, mais il ne laisse pas d’en vivre, et de ce que sa gourmandise y ajoute. Si les Œuvres mêlées de Plutarque sont pleines de détails de ce genre, il ne faut donc pas douter que ces détails n’aient contribué, pour une part considérable, à la popularité de cette œuvre, et il convient de faire observer que jamais peut-être le caractère de notre langue ne s’était mieux prêté à les rendre qu’au temps d’Amyot précisément, entre Rabelais et Montaigne. Il a été heureux pour nous que notre langue ne soit pas devenue tout de suite parfaitement « noble, » et elle le doit en partie à la traduction des Œuvres de Plutarque par Amyot.
D’autant qu’en plus de ces détails, ces Œuvres mêlées, il est temps de le dire, contiennent, pour ainsi parler, le trésor de la sagesse ancienne, et autant qu’ « universel, » Plutarque est « encyclopédique, » ce qui veut dire à peu près la même chose. Beaucoup de renseignemens précieux ne nous ont été conservés que