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dépensés : il n’en est rien. Une cuisine et une salle de conférences, et voilà une école constituée. Une buanderie est un luxe utile, mais non nécessaire. Un fourneau, une petite batterie de cuisine, des tables, des planches de repassage, les ustensiles enfin indispensables : voilà tout le mobilier obligatoire qu’on achète pour quelques centaines de francs.

Rue de l’Abbaye, par exemple, chez les sœurs de Saint-Vincent de Paul, il y a tout juste une cuisine. Là, sous la direction d’une sœur, les petites élèves, toutes enfans du peuple, inscrivent d’abord sur un tableau noir le menu, puis, en face de chaque plat, la quantité de denrées achetées, et le prix d’achat. Ceci établi, on se met à l’ouvrage. Chaque plat est confié à une fillette, qui, devant le fourneau, en surveille l’assaisonnement et la cuisson. La sœur goûte, critique, corrige. D’autres enfants nettoient la vaisselle, ou disposent la table. Tout cela se fait tranquillement, avec ordre, avec bonne humeur, et avec conscience. Il y a chez toutes ces petites élèves un désir très sensible de réussir, et le stimulant d’une charmante émulation.

Vers 1867, un étudiant de l’Université, d’Oxford, Edward Denyson, essaya pour la première fois d’entrer en relations amicales avec les malheureux, pour la plupart hors la loi, qui composaient à cette époque, à Londres, la population de White-Chapel. Il eut en 1874 un imitateur, Arnold Toynbee. Denyson et Toynbee moururent, mais Toynbee avait fait des disciples. En 1884, une douzaine de gradués de l’Université se réunirent et vinrent habiter White-Chapel pour y continuer l’œuvre de relèvement moral, intellectuel et physique entreprise par les devanciers. Le groupe qu’ils formaient fut appelé College Settlement. Il y a aujourd’hui vingt-sept settlements à Londres, et, depuis 1887, les femmes joignent leurs efforts à ceux des hommes. Partout les organisateurs des settlements veulent donner au peuple une culture intellectuelle, et l’élever à la vie sociale. De plus, ils se mêlent activement à la vie du quartier, s’inquiètent des conditions de l’existence que mènent les pauvres et les travailleurs, devenant souvent les amis et les conseillers des cités ouvrières. À Edimbourg, par exemple, installés dans les maisons les plus misérables de la ville, des professeurs et leurs familles partagent absolument la vie de l’ouvrier. L’Amérique a imité