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furent forgées par la nécessité même de combattre : elles existaient auparavant, vigoureusement exercées par vingt années d’apprentissage politique, et par une première résistance à cette sorte de Culturkampf en miniature, qui, depuis 1852, se déroulait dans le grand-duché de Bade. Il faut avoir regardé d’un peu près cette lente formation pour s’expliquer l’allégresse triomphante qui transforma les plus dures batailles en victoires.

Ces victoires, enfin, dont le principal facteur fut l’indéfectible attachement du peuple à son clergé, récompensaient un effort tenace d’action sociale par lequel l’Église, entre 1848 et 1870, avant même d’avoir politiquement besoin du peuple, avait, tout à la fois, développé dans les masses l’intelligence du christianisme et gagné pour longtemps leur active confiance.

Le Culturkampf éclata comme un coup de tonnerre, mais des grondemens antérieurs l’annonçaient. Le soubresaut des catholiques fut superbe ; mais une longue période d’éveil les avait préparés. Le peuple accourut au secours de l’Église ; mais depuis longtemps l’amitié de l’Église et du peuple était nouée. Et l’histoire de cette amitié, l’histoire de cette maturité parlementaire, l’histoire enfin de ces courans intellectuels qui bientôt allaient menacer l’unité catholique elle-même, nous achemineront vers le récit des luttes acharnées au cours desquelles l’âpre nom de Canossa, pauvre village de l’Emilie, commença d’assaillir les oreilles allemandes avant de venir assourdir les nôtres.


I

C’est une donnée banale de l’histoire, que la campagne d’Austerlitz porta le coup de mort au Saint-Empire-Romain-Germanique. Dix siècles l’avaient honoré, une plaisanterie de Voltaire l’avait mis à mal, l’épée de Napoléon l’acheva. Mais suffit-il d’un sarcasme et d’une armée pour effacer des esprits certaines idées séculaires ? Étiquette compliquée d’une longue période d’histoire, cet imposant vocable : Saint-Empire-Romain-Germanique, était lourd à manier, encombrant même, si l’on veut, comme le sont toutes les synthèses qui, tant bien que mal, s’efforcent à pallier des contrastes. En quatre mots, dont chacun était gros de pensées, la formule qu’Austerlitz rendit archaïque faisait deux parts dans l’histoire du monde, l’une pour la sainteté, l’autre pour la force, deux parts dans l’organisme