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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/569

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à Munich d’un parti « libéral national » nettement hostile au catholicisme et nettement hostile à l’Autriche. Ce fut là le résultat du règne de Max. Peu s’en fallut, peut-être, que le Roi lui-même ne donnât un grand exemple. On raconte que, si Dahlmann, son ancien professeur à Gœttingue, ne l’en avait dissuadé, il se serait fait protestant. Il aurait brigué, par surcroît, l’initiation maçonnique, sans les conseils du ministre Pfordten, qui la jugeait inopportune. Enchaîné à la profession catholique par sa dignité royale, par les précédens de sa maison, par les susceptibilités de son peuple, Max prit sa revanche en s’entourant de conseillers qui tous appartenaient au protestantisme. C’était le philologue Thiersch, qui, dès 1848, écrivait à la reine de Prusse que l’Allemagne ne pouvait prendre son rang que sous l’égide des Hohenzollern ; c’étaient deux diplomates, Dönniges et Wendland, originaires l’un de Stettin, l’autre du Hanovre, et que Bœhmer, impitoyable pour toute infiltration prussienne, qualifiait d’aventuriers étrangers ; c’était le juriste Bluntschli, Suisse d’origine, épris de la représentation, des parades et des présidences, et qui, plus tard, en Bade, pontifiera, solennel et respecté, dans les synodes du protestantisme libéral, dans les meetings du libéralisme national, dans les agapes de la francmaçonnerie ; c’était enfin le célèbre historien Henri de Sybel.

Charger Sybel de l’enseignement de l’histoire dans la capitale de la catholique Bavière ressemblait à un coup d’audace : le roi Max hésita quelque temps. Ranke eût été le professeur de ses rêves, mais Ranke refusa, et insista pour que Sybel fût appelé. Une bruyante attaque contre la sainte tunique de Trêves, quelques discours et quelques écrits d’histoire qui visaient à glorifier la puissance prussienne, désignaient Sybel à la confiance du parti de Gotha, et donnaient à sa nomination le double caractère d’une victoire prussienne et d’une victoire protestante. M. Ernest Denis, que n’aveugle à coup sûr aucune prévention, soit en faveur de la « Grande Allemagne, » soit en faveur du catholicisme, éprouve un médiocre attrait pour la personnalité de Sybel : il fait de lui, sans ambages, un « Homais » du patriotisme. Le coup de plume est dur, et légèrement injuste. Si l’intelligence de Sybel et celle de Homais ont parfois un air de famille, celle de Sybel était plus meublée. À l’une comme à l’autre, d’ailleurs, le sens des nuances faisait défaut. Les cours et les articles de Sybel étaient construits comme des réquisitoires. Cet