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Non cependant, pour les catholiques de Bavière, ce n’était pas fini, et le perspicace chroniqueur terminait :


Après la prochaine grande crise, toutes les questions politiques et dynastiques passeront à l’arrière-plan devant la seule grande question, devant la question sociale. La Prusse et tous les grands États ne feront plus de guerres politiques lorsque la guerre sociale aura éclaté. Dans un temps si étonnamment grandiose, gardons-nous de la petitesse de jugement ; c’est à nous, catholiques, qu’elle conviendrait le moins.


Les particularistes qui s’effaceraient, inconsolés, du terrain politique, serviraient du moins leur foi en s’occupant des questions sociales : ce n’est point à l’évêque Ketteler, à coup sûr, que cette orientation nouvelle pourrait déplaire.

Mais la « prochaine grande crise » tout à l’heure prévue par le publiciste bavarois, la crise d’où la Petite Allemagne sortirait glorifiée sous le nom d’Empire allemand, allait bientôt, hélas ! offrir aux survivans du parti de la Grande Allemagne l’occasion de prouver, comme le souhaitait Ketteler, que nul ne les surpassait en patriotisme. L’occasion fut avidement saisie. On avait bien essayé jadis, dans quelques cercles prussiens, d’exploiter certain voyage qu’avait fait sur le Rhin l’archevêque Sibour, et certaine visite de Montalembert à son ami Reichensperger, pour accuser les « ultramontains » rhénans de sympathies françaises ; et Reichensperger souriait en constatant qu’on les traitait tour à tour d’Autrichiens, de Belges, de Français. Mais l’attitude même des catholiques d’Allemagne enlevait à ces rumeurs tout crédit et toute durée. À lire leurs discours et leurs écrits avant et après Sadowa, on voit que ce qu’ils redoutaient avant tout comme patriotes, c’était que la lutte fratricide entre l’Autriche et la Prusse n’amenât une tierce puissance, une étrangère, à s’insinuer dans les affaires germaniques. L’ancienne Ligue du Rhin, qui avait fait de Napoléon Ier un arbitre des destinées allemandes, se présentait à toutes les mémoires comme un cauchemar ; les Feuilles historico-politiques, quelque hostiles qu’elles fussent à la Prusse, écrivaient déjà, en 1863 : « Entre la France et la Prusse, pour nous Allemands, aucune comparaison n’est possible. Plutôt encore être Prussiens-impérialistes que Français-allemands et qu’enrôlés dans un Rheinbund ! » Les mêmes Feuilles, si hostiles qu’elles fussent à Bismarck, disaient en 1866 : « Avec Bismarck, on pourra discuter ; avec la France,