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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/916

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Tout en haut, une étroite bande de ciel, éperdument bleue, baigne d’azur les rebords supérieurs, déchiquetés, tourmentés, dentelés de la coulée. Moins salpêtres que les parties basses, ils sont restés rouges, ces grès, et dans ce bain d’azur ils deviennent mauves. Les brusques coudes de cette fente limitent à tous les instans la vue.

Par où va-t-on pouvoir en sortir ? On a comme un petit sentiment d’effroi ; c’est peut-être la crainte de la masse qui surplombe et étouffe, mais à angle droit, le chemin continue pour venir buter encore contre un autre mur, s’élevant majestueusement vers les espaces bleus. De temps en temps, un oiseau de proie passe, rapide dans son vol, et les voix des hommes, grossies par l’écho, résonnent d’une façon stridente. Deux ou trois mulets nous croisent, ils plient sous le poids d’un lourd chargement de trèfle embaumé. Pendant qu’ils continuent, les oreilles couchées en arrière et en faisant clapoter l’eau du ruisseau, leur route vers Pétra, les conducteurs s’arrêtent, se touchent de la main, s’embrassent sur le turban, et après l’échange des saluts si beaux, que tous ceux qui se rencontrent en pays arabe se doivent : « Que Dieu soit avec toi, qu’il élargisse ta route. — Que Dieu te bénisse, qu’il l’élargisse deux fois, » nous continuons à avancer dans le défilé mystérieux. Sur les parois de la roche, on rencontre, soit isolées, soit par groupes de deux ou de trois, de petites chapelles votives, des sortes de niches entaillées dans les grès. Tantôt il y a dans ces niches comme un piédestal destiné peut-être à recevoir une statuette disparue aujourd’hui ; tantôt une, deux ou trois stèles, et qui devaient symboliser la divinité, en garnissent l’intérieur.

Au débouché du Sik, vers le village d’Elji, il y a les restes d’un arc et de socles de statues. Ces monumens datent de la domination romaine.


Un des monumens les plus vénérables de l’antique Pétra est certainement son Haut-Lieu de prière. Le Haut-Lieu de prière, comme son nom l’indique, était chez les Sémites un endroit situé sur un point élevé où les prières étaient dites et les sacrifices offerts à la divinité. Ne voyons-nous pas Abraham s’en allant sur la montagne, avec son fils Isaac, pour le donner en holocauste à Jéhovah ?

Le Père Savignac, professeur à l’École biblique de Saint-Etienne