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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/297

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prochaine, nous la réprimerons. Mais quelle sera ensuite la conduite la meilleure ? Je désirerais connaître votre opinion sur ce point. — Après comme avant une émeute, Sire, et permettez-moi de dire en passant que je ne la crois pas probable, il n’y a qu’une conduite à tenir, c’est de rester dans le régime libéral inauguré par Votre Majesté. Votre gouvernement n’a rien à redouter d’une attaque violente, et il ne peut supporter la discussion, A quoi cela tient-il ? À la liberté ? Non. À l’absence d’unité qui, depuis le 19 janvier, énerve le pouvoir. Plus il y a de liberté, plus il faut de force dans le pouvoir. Mettre une presse déchaînée en face d’un ministère hésitant ou combattu, ce n’est pas du libéralisme, c’est de la défaillance. Croyez-vous que si j’étais aux affaires, je tolérerais une minute que M. Gambetta et ses amis prêchassent impunément la révolte et qu’à la tribune, dans les journaux, dans les réunions publiques on pût se dire irréconciliable ? Je ne] ferais aucun procès de presse, c’est-à-dire d’opinion, mais je ne ménagerais aucun séditieux, où qu’il soit ; à une condition toutefois, c’est que je fusse un gouvernement de liberté. Si j’étais un gouvernement d’équivoque ou de transition, je n’aurais pas cette audace. Aussi mon avis est-il que Votre Majesté n’enlève rien à l’étendue de la liberté, et qu’elle se contente d’ajouter à la vigueur du pouvoir en constituant un ministère homogène suivant les règles constitutionnelles. Il y a en France deux ou trois cents personnes à introduire, d’une manière ou de l’autre, dans la vie publique. Ceci fait, l’ordre se rétablira. »

Des généralités, nous en vînmes aux questions particulières. Nous les examinâmes longuement. Nous ne dîmes que peu de mots sur l’Espagne. Il me parla avec affection du jeune Alphonse : sa restauration lui paraissait la seule solution désirable, mais, même pour lui, il ne gênerait pas la liberté d’un peuple ami, notre diplomatie continuerait à s’abstenir. Il ne me dit pas un mot de la candidature Hohenzollern, pas même des démarches faites en mars à Berlin, par Benedetti. Moi-même, n’ayant jamais entendu parler de cette candidature, je n’avais pas de ligne de conduite à discuter à son sujet. Les affaires d’Allemagne nous arrêtèrent au contraire beaucoup. « Notre politique, dis-je, doit consister à enlever à M. de Bismarck tout prétexte de nous chercher querelle, et de rendre belliqueux son roi qui ne l’est pas. Il y a deux tisons de guerre allumés, il faut mettre