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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/551

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vous remercier de m’avoir associé à quelque chose de grand. » J’avais écarté de ma maison les amis et les journalistes qui l’encombraient en leur disant que rien ne serait encore terminé ce soir-là. Je ne trouvai en rentrant chez moi que ma femme et plusieurs de mes futurs collègues. Je leur annonçai la conclusion. Puis, je regardai tristement en moi-même le passé de joie, de douleur, de paix, d’études, dont avait été témoin ce petit appartement, devenu presque une place publique, et je n’eus nulle envie de me réjouir. A dix heures du soir, Talhouët et Parieu viennent m’apprendre qu’ils avaient transmis à nos collègues le désir de l’Empereur relatif au maréchal Vaillant et qu’ils ne croyaient pas devoir y acquiescer. Du reste, personne ne s’opposait à ce que le titre de ministre de la Maison de l’Empereur fût conservé au maréchal. J’en instruisis aussitôt l’Empereur. Il ne suspendit pas pour cela la publication des décrets. Mais il ne fut point convaincu et me le prouva par la lettre suivante : « Mon cher monsieur Emile Ollivier, je crois que vos collègues se trompent au sujet du ministère de la Maison impériale. Le maréchal Vaillant n’a pas seulement une position honorifique, il a réellement un portefeuille, car il a dans ses attributions la Légion d’honneur, les bâtimens avec les haras. Mais quand il n’aurait pas ces attributions, est-ce qu’en Angleterre même on ne trouve pas utile de donner l’entrée au Conseil à des ministres sans portefeuille ? Les Anglais, au lieu de restreindre le nombre des hommes politiques attachés à un Cabinet, cherchent toujours, au contraire, à l’augmenter. Nous parlerons de cela. Croyez à mes sentimens de haute estime et d’amitié. » Il ne fut plus question du maréchal Vaillant. Mais une autre difficulté faillit encore se produire. Je ne l’ai connue que plus tard. Le général Le Bœuf, qui n’avait consenti à rester que dans un ministère où il retrouverait ses anciens collègues, ayant appris le premier janvier, à l’issue des réceptions officielles, que je composais un Cabinet nouveau avec le Centre Droit et le Centre Gauche, pria l’Empereur de ne plus compter sur lui. « Si vous vous retirez, lui dit l’Empereur, vous ferez échouer toute la combinaison, et l’on voudra m’imposer Trochu ou Bazaine dont je ne veux pas. » Il resta.

Les décrets parurent à l’Officiel le 3 janvier. Selon la parole de Mérimée : « Les choses étant ce qu’elles étaient, il n’y avait pas moyen de faire autrement. » La gloire de l’Empereur