Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/875

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

régimens évoluent sur les dos des femmes, des canons s’arc-boutent, des attelages des Champs-Elysées secouent à leur marche des sonnettes rouges, des automobiles s’enlèvent dans des nuages de poussière. La foule malgache, sans être joviale, est gaie, pittoresque, d’une grande vivacité de lignes souples et de tons chauds. Des couleurs d’un bleu et d’un orangé délicats brochent l’emmêlement d’étoffes blanches où, aujourd’hui que les privilèges n’en réservent plus l’usage, d’innombrables parasols voyans à manches de métal s’ouvrent libéralement.

Cette population à forme nouvelle, ce peuple, est-il, lui, foncièrement, hypocritement hostile aux Français comme on le dit, comme le sont les nobles et les bourgeois hovas ? Soit enquêtes et interrogations, soit causeries sur toutes les sortes de sujets, psychologie familière et intuition, nous ne l’avons pas senti, nous ne le croyons pas. Leur sentiment est confus, incertain, mobile. Ce sont des gens légers, enfantins, habitués à la soumission plus qu’à l’obéissance, facilement suggestionnâmes, donc aisés à diriger par une politique habile et stricte. Surtout, ils se suggestionnent eux-mêmes par l’habitude, et c’est en ce sens que les déclarations ampoulées, les adresses de félicitations et sollicitations que faisait présenter ou réciter par eux le général Galliéni, finissent par agir sur leur esprit, quoiqu’ils n’y mettent d’abord aucune sincérité : on en arriverait un peu par cette considération à légitimer le bluff comme on l’a voulu pour les Américains et il est certain que, dans nos grandes colonies, Madagascar ou Indo-Chine, on tend à user du bluff comme méthode de colonisation ; les abus en sont graves.

M. Carol a conté le cas amusant de ce jeune Malgache à qui l’on avait convié le soin d’écrire un fait-divers et qui rédigea le texte suivant :


Le vendredi 30 avril, vers cinq heures quarante du soir, il y avait un bourjane, attaqué gravement par la fièvre, va se coucher par terre dans la rue Dupré n° 6, ouest de la maison de M. Rapaoly, à Antsampanimahazo, qui a fait son soupir à six heures dans celle rue. A la vue de cette mort effroyable, le colonel, le commandant et les officiers habitant à côté de la rue avaient fait prévenir le commissaire de police Rastel. MM. les docteurs Peters et Wilson étaient venus pour sauver sa vie ; mais, hélas ! la mort venue lui a pris sa vie. Les policiers et les fokonolona ont enveloppé le corps de ce malheureux et l’ont porté à sa dernière demeure. Louange aux unanimités des polices d’Ambatovinaky ! Honneur et gloire à la France, qui a envoyé ses docteurs à Madagascar pour soigner les Malgaches !