animal captif reçoive de l’occupation, il ne se tient nullement pour malheureux, en général, et n’a pas le moindre grief de son esclavage. Au contraire, il est très fier de ce que l’homme ait daigné l’associer à lui, et, presque invariablement, il préfère la compagnie de l’homme à celle de ses frères. Il n’y a pas jusqu’aux pigeons, qui, lorsqu’on les a apprivoisés, n’aiment mieux rester avec leurs maîtres que de se mêler aux autres pigeons. Et plus un animal est intelligent, plus il devient désireux de servir, et plus il s’enorgueillit de son privilège de se rendre utile. Son cas est tout pareil à celui de ce nègre d’un roman de Marryat qui vient offrir un gourdin au capitaine du vaisseau, en remarquant que « cela pourra être bon pour maintenir en ordre les misérables nègres. » Comme ce nègre, l’animal apprivoisé est ravi de pouvoir réduire d’autres animaux de son espèce à l’heureuse condition où il se trouve lui-même, et c’est avec un intérêt et un orgueil parfaitement ingénus qu’il s’y emploie de tous ses moyens.
Il va sans dire qu’à cette affection de l’animal domestique pour l’homme s’ajoute toujours un élément de peur ; et peut-être l’esclave est-il d’autant plus attaché à son maître qu’il s’est plus profondément accoutumé à le craindre. Mais Cornish nous affirme encore que la peur de l’homme n’est pas plus naturelle, chez les animaux, que l’amour de l’homme. Un nombre considérable d’exemples, anciens et récens, prouvent que la bête, lorsqu’elle rencontre l’homme pour la première fois, ne se rend aucun compte de la terrible supériorité qu’a sur elle ce « bipède raisonnable, » sauf d’ailleurs, pour celui-ci, à lui en inspirer très vite la salutaire notion. « Pendant la première expédition de Barent, — pour citer ce seul trait, —, un ours polaire, qui probablement n’avait jamais vu d’hommes, saisit par le cou l’un des marins de l’équipage, et, après l’avoir traîné à une certaine distance, lui arracha le haut de la tête, d’un seul coup de dents. » Et la peur de l’homme est même un sentiment si artificiel qu’elle tend à disparaître dès que l’homme, désormais bien assuré de sa domination, consent à en atténuer les marques extérieures. C’est ainsi que les visiteurs du célèbre Parc de Yellowstone, aux États-Unis, où sont entretenus en liberté nombre d’animaux sauvages, constatent d’année en année, chez ces animaux, une décroissance de leur ancienne timidité à l’égard de notre race. Maintenant, le wapiti et le cerf à queue noire viennent aux portes des maisons pour demander du pain ; l’ours brun pénètre bravement dans les cours des fermes ; et le promeneur rencontre à chaque pas, dans les sentiers les plus fréquentés, nombre de petits rongeurs que sa présence n’effarouche nullement, tandis qu’elle suffisait pour les mettre en fuite il y a quelques années. De telle sorte que l’on en arrive à se demander comment il a été possible à l’homme