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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/951

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




La situation s’est subitement assombrie dans le Midi. La dernière des grandes manifestations qui ont précédé et annoncé l’orage a eu lieu le dimanche, 9 juin, à Montpellier ; elle a été calme jusqu’à la fin de la journée ; mais on sentait déjà des colères dans l’air, et il n’était pas besoin de beaucoup de perspicacité, ni de prévoyance, pour éprouver des craintes sérieuses au sujet du lendemain. Le lendemain a été, en effet, très agité. Une collision sanglante a eu lieu à Montpellier même. La gendarmerie a eu beaucoup de peine à rétablir l’ordre, et on se demande si elle l’a rétabli pour longtemps. Un officier et un agent ont été blessés très gravement, peut-être mortellement. Un certain nombre de manifestans, ou plutôt d’émeutiers, ont été arrêtés : le préfet a donné bientôt l’ordre de les relâcher. Tout cela est inquiétant, certes : le commencement de mutinerie qui s’est produit parmi les soldats du 100e de ligne, dans une caserne de Narbonne, et aussi, dit-on, parmi ceux du 2e du génie dans une caserne de Montpellier, l’est encore davantage. Les détails précis et authentiques manquent encore ; mais le fait qu’une centaine de soldats ont désobéi à leurs chefs est malheureusement certain. De pareils symptômes doivent attirer l’attention la plus sérieuse. Nul, d’ailleurs, ne peut dire aujourd’hui quelle sera la suite du mouvement : nous sommes en présence d’un inconnu très obscur. Les hommes qui ont pris l’initiative de soulever les populations du Midi continuent de leur recommander les moyens pacifiques ; mais leur voix sera-t-elle entendue longtemps, et eux-mêmes ne changeront-ils pas bientôt de langage ? Ils ont fait à la foule des promesses, ils lui ont donné des espérances irréalisables. La foule, pendant quelques semaines, s’est contentée d’applaudir leurs paroles sonores ; mais aujourd’hui elle entend le tocsin, et la scène