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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/216

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l’imposer à l’électeur, si ce n’est l’électeur lui-même ; ou bien cette démocratie n’est pas libre, cet électeur n’est pas souverain ; il n’est qu’un rouage inerte d’une machine qu’il ne conduit pas… C’est aujourd’hui, pour la philosophie politique, une question de savoir si les formations de parti doivent être permanentes ou temporaires, rigides ou souples, fermées ou ouvertes ; mais ce n’est pas en ce moment la question : admettons que tout n’est pas un mal, qu’il y a même plus de bon que de mauvais, dans le fait d’avoir ces partis très forts et très fortement organisés que la représentation proportionnelle exige et qu’en récompense elle concentre, condense et consolide encore. Mais quoi ! Si, d’une part, la loi prescrit que la déclaration des candidatures doit être signée par cent électeurs, et affirmée par trois d’entre eux ; si donc ce sont ces cent et ces trois qui impriment à la liste leur marque de fabrique, leur estampille : et si, d’autre part, c’est une liste ne varietur, si l’électeur ordinaire, qui n’est ni de ces trois ni de ces cent, ne peut effacer ou ajouter un nom sans annuler aussitôt son bulletin et perdre son vote, autant dire que l’élection dépend des Cent et des Trois ; c’est le régime du Caucus ; ce sont, avec une base légale, les Six Cents de Birmingham… Je ne nie pas que nos mœurs politiques soient médiocres, mais ce n’est pas un cas où il soit permis d’y suppléer par la loi. En matière de droit de suffrage, d’exercice de la souveraineté, il y a comme une antinomie, comme une contradiction foncière, — tranchons le mot : comme une dérision, — à édicter des interdictions : « Tu es libre, tu es souverain, tu élis tes députés, mais voici : tu nommeras ceux-ci et ceux-là que les Cent et les Trois ont choisis ; tu les nommeras tous, pas un de moins, pas un de plus, et pas un autre, ou tu n’auras nommé personne[1] ! »


Jamais le caractère national ne s’y plierait. En conséquence, — et c’était la première des deux modifications qu’elle apportait au système belge, — la Commission de 1905, soucieuse d’éviter l’accident sans démolir la mécanique, substituait à la dernière phrase de l’article 18, emprunté de nos voisins par la Ligue de la Représentation proportionnelle de qui émanait indirectement le projet : « Est nul et n’entre pas en ligne de compte… tout bulletin sur lequel la liste déclarée aura été modifiée soit par addition, soit par suppression de noms, » cette disposition transactionnelle : « Ne compte pas comme vote de liste, mais compte comme vote isolé en faveur de chacun des candidats qui y figurent, pourvu que leur candidature soit d’ailleurs régulièrement posée, tout bulletin… », etc. Côte mal taillée, moyen terme, expédient, reconnaissons-le : « Ce n’est plus la liste… le bulletin

  1. Rapport fait au nom de la Commission du suffrage universel chargée d’examiner diverses propositions de loi tendant à établir la représentation proportionnelle, par M. Charles Benoist, député. Annexe au procès-verbal de la séance du 7 avril 1905. Chambre des députés, huitième législature, session de 1905, no 2376, p. 52-53.