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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/310

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distribués par le hasard ; tantôt répandus à la surface, tantôt accumulés à quelques pieds sous terre.

Il y a là une culture très savante, une pénétration intime du sol, à qui l’on doit dérober ses secrets. Tout cela ne rappelle en rien le défricheur d’il y a trente ans et dépasse même nos laboureurs d’Europe. Aussi la fabrication du sucre de betterave augmente-t-elle avec rapidité : voici dix ans, en 1897, les Etats-Unis n’en produisaient que 30 000 tonnes ; ils atteignent 350 000 tonnes aujourd’hui. La forte glaise du Michigan, de l’Ohio, du Wisconsin, est maintenant concurrencée par le terroir tout différent de l’Ouest. Et l’élevage des semences de haut degré, en assurant une extraction supérieure, garantit les distilleries contre les échecs du début, dus à la pauvreté des betteraves.

Ce n’est pas à dire que la disparition des déserts d’alkalis soit partout un fait immédiatement réalisable. Il faudra que la terre hausse encore de prix pour que l’opération devienne générale. Ce lavage par l’irrigation entraîne des frais que, seuls, les bons fonds peuvent payer. Dans l’Utah où, grâce à l’inondation répétée trois ans de suite, des sols de broussailles et de vagues pâtures fournissent désormais de belles récoltes de froment, la méthode serait trop onéreuse pour se généraliser. Mais dans le Colorado et la Californie, avec une dépense de 500 francs par hectare, des guérets ou des prés médiocres de 250 francs se sont métamorphosés en vignes de 4 000 et 8 000 francs l’hectare.

Le drainage souterrain n’est pas ici moins délicat que l’arrosage, parce que l’eau des hauteurs contient elle-même en dissolution et apporte un amas considérable de ces sels solubles, qu’elle est chargée de faire disparaître. Les canaux d’évacuation doivent être assez profonds pour éviter l’érosion des coteaux. Drainage ou irrigation avaient été au début très mal compris. Les premiers pionniers n’y entendaient rien et dévastaient beaucoup.

On a dû fonder une législation des eaux, matière épineuse qui suscite dans nos vieux pays des procès copieux, touffus et éternels. Suivant les Etats, les quantités d’eau qu’il était permis aux propriétaires de dériver pour leur usage, variaient à l’infini. Elles correspondraient à un volume suffisant pour mouiller la terre, tantôt jusqu’à 15 centimètres, tantôt jusqu’à 150 mètres de profondeur. Celui-ci en avait beaucoup trop, l’autre pas assez.