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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/470

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peintre anonyme qui a connu, à la fois, l’art de Mantegna et celui de Corrège, et qui, à défaut de génie personnel, s’est pauvrement efforcé de les imiter ? Ainsi nous serions libres de tenir, de nouveau, la Vierge de Dresde pour la première œuvre du jeune Corrège, sauf à lui attribuer ensuite, si nous voulions, des peintures qui lui auraient servi de transition entre ce style initial et celui de sa Vierge d’Albinea, peinte vers 1518, et qui, aujourd’hui perdue, nous est du moins connue par deux ou trois bonnes copies anciennes. Car cette Vierge d’Albinea, la seconde des peintures de Corrège dont nous sachions la date, nous révèle une modification très caractéristique du type de figures que nous avait montré la Vierge avec saint François : l’ovale des visages devient moins accentué, toutes les proportions des traits acquièrent plus de plénitude et de grâce sensuelle. A la même période se rattachent, incontestablement, le Repos en Égypte des Offices et une Vierge de Madrid : et il n’est pas impossible que, entre ses deux manières de 1514 et de 1518, le jeune homme ait exécuté des peintures où nous découvrons des traces de l’une et de l’autre, comme un Groupe de quatre Saints dans une collection anglaise, une charmante Vierge du musée de Hampton Court, et une autre, — déjà beaucoup plus douteuse, — qu’a récemment acquise le musée de Modène. Si l’on désire à tout prix enrichir la liste séculaire des peintures de Corrège, voilà quelques tableaux qui ne contrastent pas trop avec notre idée de son génie poétique, et qui, même, nous aident à nous représenter l’une des étapes du progrès de son art : encore que le plus sage parti serait de ne les admettre, eux-mêmes, qu’à titre d’hypothèse, pour maintenir à l’œuvre du maître, depuis sa Vierge avec saint François jusqu’à sa coupole de la cathédrale de Parme, cette incomparable et prodigieuse unité d’inspiration qui n’a, peut-être, pas d’équivalent dans l’histoire de l’art.

Avec quel relief elle ressort, cette unité d’inspiration, de la série des photographies recueillies et classées par M. Gronau ! Et comme une telle revue d’ensemble de l’œuvre de Corrège nous convainc de l’inanité des questions que s’obstinent à débattre les critiques d’art, se demandant, par exemple, si Corrège est allé à Rome, ou encore s’il a eu l’âme plus « païenne » que « chrétienne ! » Vasari, comme l’on sait, pour atténuer l’effet de l’émerveillement que lui a causé la découverte de l’œuvre de Corrège, déplore qu’un peintre aussi heureusement doué n’ait pas pu étudier, à Florence et à Rome, les chefs-d’œuvre de Raphaël et de Michel-Ange : aujourd’hui, M. Gronau et maints autres