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On n’entreprendra pas de donner ici, ne fût-ce qu’une simple énumération, des livres et brochures, pièces de vers, poèmes héroïques ou burlesques, chants épiques et chansons populaires, pièces de théâtre, dialogues des morts, oraisons funèbres, « man-drinades, » canards et pamphlets, qui lui ont été consacrés. M. Edmond Maignien, bibliothécaire de la ville de Grenoble, a publié en 1890 une Bibliographie des écrits relatifs à Mandrin, qui occupe 32 pages in-8o. Le « capitaine Mandrin » a été peint en pied, en buste et à cheval, par des artistes qui étaient venus solliciter de lui la permission de prendre, de sa personne célèbre, des croquis ad vivum. Les gravures représentant les faits les plus saillans de sa vie ont été tirées à des milliers d’exemplaires. « Les Savoyards ont vendu ses portraits en montrant la marmotte. » Des médailles enfin ont été frappées en son honneur.

Cette popularité s’est. maintenue jusqu’à nos jours. Les habitans de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, lieu de naissance du fameux bandit, et ceux de la région environnante, sont appelés, du nom de Mandrin, les « Mandrinots. » M. Octave Chenavaz, député de l’Isère, dédie son précieux ouvrage, Notice historique sur la maison patrimoniale de Mandrin, « aux Mandrinots, mes concitoyens. » Cette maison même, les habitans de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs la conservent avec un soin jaloux, monument historique illustré par l’homme célèbre qui y a demeuré. Ils la montrent avec fierté aux étrangers de passage. À ce propos, M. Victor Advielle, qui était en 1860 secrétaire de la sous-préfecture de Saint-Marcellin et s’occupait de l’histoire du contrebandier, rapporte le trait suivant, où se marque en trois mots l’intensité du sentiment populaire :

Une bonne vieille, en bonnet tuyauté, appuyée sur un bâton de frêne, lui faisait les honneurs de la maison de Mandrin et lui racontait, avec émotion et abondance, les principaux traits de la vie du contrebandier. Advielle feignait d’ignorer ces détails et la fin de Mandrin qui fut roué vif à Valence. Il laissait suivre son cours à la causerie qui allait trottant menu. Enfin l’interrompant :

— Et Mandrin, après tout cela, qu’est-il devenu ?

Et la vieille, avec une indéfinissable expression où se traduisaient son admiration pour le héros, sa douleur et sa colère.