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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/578

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tout en les brunissant, y eût laissé de ses reflets. À cette époque de sa vie, il les portait courts, non frisés. Il semblait aussi que je soleil eût contribué à la couleur de ses yeux, d’un roux clair et dont les prunelles étaient comme semées de sable d’or. Sa taille dépassait la moyenne : cinq pieds quatre pouces. Il avait les traits accentués, le nez un peu fort, le visage légèrement grêlé de petite vérole, une bouche petite, mais bien fendue et dont les lèvres épaisses découvraient fréquemment, en un rire large et sonore, les deux rangées de dents blanches, de fortes dents et de fortes mâchoires ; celles-ci et le regard dominateur marquaient la volonté. Le menton était un peu pointu, fourchu, avancé en dehors.

À cette époque de sa vie, Louis Mandrin était généralement* vêtu d’un habit de drap d’Elbeuf gris, sans paremens aux manches, « y ayant seulement une pièce de la même étoffe, avec quatre boutonnières, ce qu’on appelle à la cuisinière ; » sous son habit, une camisole de molleton, croisée, également de couleur grise ; des culottes de peau, boutonnées aux genoux, avec des dessins en broderie au-dessus des boutonnières. Il portait presque toujours des guêtres de ratine, couleur gris d’épine ; enfin un grand chapeau de feutre noir, dont l’aile de derrière était d’ordinaire rabattue en visière et qu’il mettait par devant, de façon qu’elle lui ombrageait entièrement le visage. Il avait son argent dans une ceinture de cuir, de la largeur d’un demi-pied.

En somme, il avait « bonne mine. » Ses divers signalemens s’accordent sur ce point, une physionomie franche, ouverte et sympathique, bien qu’elle eût quelque chose de brutal. Il était toujours gai, d’une gaieté communicative, rempli d’entrain, d’activité, de juvénile énergie… Ses camarades le surnommaient « Belle-Humeur. » Il parlait facilement, voire avec éloquence, d’une voix chaude, cordiale, « prenante. » Sa parole était pleine de vie et de couleur. Là se traduisait sa nature ardente, d’une ardeur excessive, violente par momens. Il ne pouvait maîtriser les mouvemens de colère qui s’emparaient de lui. Son père n’était plus là pour le diriger, et, à un caractère comme le sien, impressionnable dans sa rudesse, et excessif en tout, cette direction eût été nécessaire.

A défaut de son père, sa mère, devenue veuve, paraît avoir eu sur lui une grande influence. Elle demeurait avec lui ; mais,