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animaux de trait et de bât dont elle avait besoin. Par cette voie, Mandrin fut amené à conclure, le 1er mai 1748, un traité à l’effet de fournir une « brigade » de « cent moins trois, » c’est-à-dire quatre-vingt-dix-sept mules et mulets bâtés et harnachés pour le transport des provisions utiles à l’armée d’Italie. Mandrin engage dans l’entreprise tout l’argent dont il dispose, il vend des terres ; puis il se met en route, descendant le Rhône jusqu’à Arles, où sa brigade de cent moins trois mules et mulets est passée en revue par les inspecteurs de l’armée d’Italie et déclarée bonne pour le service. Lui-même est promu à la dignité de « capitaine de la brigade des mules, » avec autorité sur une troupe relativement nombreuse de « hauts-le-pied » et de valets d’écurie.

Mandrin est ici à son affaire. Il est jeune, — dans sa vingt-quatrième année, — actif, énergique. Il aime le mouvement, la vie au grand air, et il se trouve employer, dans ce pays de montagne au seuil duquel il est né, ce don du commandement qui est la caractéristique de sa nature.

Il importe de préciser le genre de service que les « directeurs » de l’armée lui demandaient. Son rôle n’était pas celui d’un maquignon chargé de fournir quatre-vingt-dix-sept mulets bâtés et harnachés ; mais celui d’un « chef de brigade, » dont on lui avait donné le titre et l’autorité, avec la tâche d’assurer, à ses risques et périls et sous sa responsabilité, le transport des vivres et des fournitures, dont l’armée avait besoin.

C’est ainsi que, le 7 juin 1748, Mandrin prend des chargemens de riz au magasin de M. Hubert à Villefranche pour les rendre aux magasins de M. de Savigny à Menton. En chemin, l’un de ses mulets tombe sous le faix et se tue. Le 10 juin, le jeune « chef de brigade » passe la « montagne de la Turbie » (mont de la Bataille) : deux de ses mulets se jettent dans un précipice. Deux de ses mulets disparaissent encore en gravissant la montagne de Castillon (mont Orso). Le 16 juin, il transporte du pain du camp de Cabbé à celui de Menton. Il y perd encore un mulet qui se laisse choir dans un ravin. Le 28 juin, Mandrin transporte de la farine à Vintimille, au magasin de M. Clerc, et perd deux mulets dans une fondrière. Le 7 juillet, il a ordre d’amener le bois nécessaire à alimenter les fours de Menton et va le chercher aux Cuses. Deux mulets se précipitent du haut des terrasses avec leurs charges. Le 9 juillet, comme Mandrin