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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/595

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des Fermes se jeta à genoux. Il criait merci. Il prit son enfant dans ses bras et, le tendant désespérément devant lui :

— Grâce ! grâce !

Mandrin le regardait d’un œil fixe, très tranquille.

— N’as-tu pas été employé, lui disait-il, et n’est-ce pas toi qui a mis la corde au cou de mon frère Pierre que tu as fait pendre ?

L’homme, qui tremblait, continuait de crier : « Grâce ! grâce ! » et, de ses bras raidis, il se couvrait de son enfant comme d’un bouclier vivant.

Mandrin ne l’écoutait pas. Dans sa pensée il revoyait, fichée en un pieu sanglant, la tête livide de son frère Pierre :

— Ote l’enfant, car je tire !

— Grâce ! grâce !

Du même coup Mandrin tua le père et l’enfant.

Cette scène eut plusieurs spectateurs, des habitans du bourg, qui en suivirent les péripéties sans intervenir.

C’était, dans son extrême rigueur, l’intensité des obligations familiales, telles du moins que les comprenaient, en ce temps, ces natures simples et rudes. La vengeance féroce, implacable, devenait à leurs yeux un devoir. Vendettas brutales dont la tradition s’est conservée en Corse, jusqu’à nos jours. On en verra d’autres exemples dans le cours de ce récit et qui ne sont pas imputables à des brigands.

Ensuite Mandrin regagna la Savoie où il retrouva ses camarades.


FRANTZ FUNCK-BRENTANO.