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fait à votre convenance, la chose que je désire le plus ou plutôt la seule que je désire du ministère des Affaires étrangères est l’avancement de Chateaubriand. Je dirai moi-même cela à de Serre, si je le rencontre ; mais je vous prie, en attendant, de le lui écrire en ajoutant ce que vous fournira de pressant sur ce sujet votre amitié.

Je ne sais où vous trouvera cette lettre, et si je dois l’envoyer à Berne ou à Nice. Je sais que vous avez séjourné quelque temps dans cette partie du Piémont. Peut-être avez-vous passé par Turin. Dans tous les cas, et avec la perspicacité que je vous connais, vous avez dû porter un jugement sur l’état de ce pays dont le sort peut influer sur la tournure de nos propres affaires. Je n’ai pas besoin de vous dire que vos observations en cette matière comme en toute autre seraient bien reçues[1]. Notre état intérieur, sans être critique, est toujours fort grave. On aura bien de la peine à gagner le mois de mai prochain sans que le fil qui nous tient en équilibre ne casse et sans que nous arrivions à quelque phase révolutionnaire.

Adieu, rappelez-nous au souvenir de Mme de Gobineau et croyez à ma sincère amitié.

A. DE TOCQUEVILLE.


Hanovre, le 3 août 1851.

Vous savez probablement déjà que le ministre vient de m’envoyer ici comme chargé d’affaires pour remplir l’intérim de M. de Ferrières, qui va pour deux ou trois mois à Paris. Vous pouvez penser avec quel plaisir j’ai reçu l’ordre de venir à Hanovre.

Vous allez avoir maintenant la prorogation ; dites-moi, je vous en prie, si votre santé a souffert de vos derniers travaux. Vous n’avez pas fait là une des moindres actions de votre vie publique, ni une des moindres œuvres de votre vie intellectuelle. Je serais bien heureux si vous vouliez bien me donner ce rapport[2] capital avec votre signature en haut (ceci tient à la fois de l’affection et de la bibliophilie). Quand je connaîtrai un

  1. Ses observations sur le Piémont nous sont conservées dans une longue lettre de Gobineau datée du 30 juin 1851 qui sera publiée avec les autres.
  2. Le célèbre Rapport fait à l’Assemblée législative au nom de la Commission chargée d’examiner les propositions relatives à la révision de la Constitution du 8 juillet 1851, qui se trouve dans les Œuvres complètes de Tocqueville, t. IX (Études économiques, politiques et littéraires), p. 574 sqq.