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par une glace dépolie, deux images stéréoscopiques quelconques, comme celles qu’on trouve dans le commerce. Ces images, n’étant pas identiques, ne se superposent qu’en partie, de sorte que de leur empiétement réciproque résulte une impression confuse, d’où l’on ne pourra extraire la sensation du relief que si l’on arrive à faire voir à chaque œil l’image qui lui est destinée. Or, c’est justement ce rôle que remplit l’écran spécial en question, et il le remplit si bien que l’image subjective ainsi obtenue est, non seulement très nette, mais encore d’un charme et d’une douceur que ne donnent pas, en général, les vues stéréoscopiques ordinaires, auxquelles on reproche, non sans raison, de se présenter comme des décors de théâtre, tant elles manquent, le plus souvent, de modelé et de contours. Il est vrai qu’avec ce mode opératoire, le champ de la visibilité est très restreint et que, par suite, l’appareil est dans l’impuissance de donner à toute une assemblée l’impression attendue ; mais rien ne prouve que la méthode elle-même ne soit pas largement perfectible. En tout cas, si l’on considère que le nouveau procédé de photographie directe des couleurs par dispersion chromatique, que M. Lippmann nous a fait connaître l’an dernier, a besoin, lui aussi, des réseaux lignés, et qu’a priori, rien n’empêche, semble-t-il, de le combiner avec le procédé Estanave, il est difficile de ne pas voir dans l’emploi de ces réseaux le point de départ de la solution future des deux problèmes, désormais liés l’un à l’autre, du relief et de la couleur. Souhaitons que cette solution ne se fasse pas trop attendre.

D’ailleurs, même avec la couleur et le relief, le cinématographe ne nous donnerait pas encore tout ce que nous nous croyons le droit, aujourd’hui, de lui demander. Ne semble-t-il pas tout naturel, en effet, que, lorsqu’on nous montre une vague qui se brise, une locomotive qui s’ébranle, un acteur qui se démène, nous désirions entendre le bruit du flot, le ronflement de la machine, la voix de l’artiste ? La sensation de vie que, de plus en plus, nous sommes portés à exiger des projections animées est devenue incompatible avec la pantomime qu’on nous sert depuis 1895, pantomime propre seulement à satisfaire les sourds. Edison avait bien pressenti ce besoin impérieux lorsque, en 1894, il avait essayé, sans succès, il est vrai, d’apporter à son kinétoscope le secours du phonographe. Que le lecteur se rassure ! D’ores et déjà ce problème est complètement résolu. Il n’était pas