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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/725

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l’Écriture sainte, de manière à en garantir toutes et chacune des parties de toute erreur. » S’il en est ainsi, l’exégèse est, du commencement à la fin, une science fausse, ce que nous avons peine à croire, tandis que nous admettons parfaitement et que nous serons même, au besoin, les premiers à dire qu’on tire trop souvent de cette science des conclusions qu’elle ne renferme pas, et qui ne sont pas de son domaine.

Mais, nous le répétons, tout cela ne touche très vivement qu’un nombre de personnes assez limité : l’immense majorité des catholiques reste pour le moment en dehors de ces discussions et ne les connaît même pas. Elles n’en sont pas moins importantes, parce que les travaux des esprits les plus élevés, les plus éclairés, les plus distingués, exercent inévitablement de l’influence sur les autres : il y faut quelquefois longtemps, mais le phénomène de suggestion finit toujours par se produire, et c’est bien pour cela que l’autorité pontificale n’a pas cru pouvoir rester impassible et inerte en présence des recherches, parfois périlleuses, de l’exégèse moderne. Que produira son intervention ? Nous le verrons. Tout ce qu’on peut dire, c’est que les questions traitées par le Décret s’agitent au-dessus du vulgaire, qui n’en perçoit qu’un retentissement lointain, et qui est exposé d’ailleurs à les mal comprendre lorsqu’il veut s’y essayer. De là vient le peu d’effet relatif qu’a produit ce document qui avait fait naître plus d’inquiétudes qu’il ne semble devoir en réaliser. Sa forme même en laisse le caractère impératif un peu indécis : on ne sait pas très bien qui est-ce qui parle. En tout cas, ce n’est pas le Pape directement et ex cathedra.

Le Décret de la Sainte et universelle Inquisition n’en porte pas moins la marque très nette du pontificat actuel. On a dit souvent que Pie X n’était pas un pape politique, mais un pape religieux. Le Décret, en effet, n’est inspiré par aucun souci politique : la religion seule y est en cause, et encore sur quelques points seulement, très particuliers, très controversés, qui Tétaient avant le Décret, et le seront peut-être encore après. Le document n’a pas été publié sans de longues réflexions et hésitations : les uns trouveront que son autorité en est augmentée, les autres qu’elle en est atténuée. Le mieux, sans doute, est de le prendre pour un avertissement, à certains égards salutaire, et d’y voir la condamnation, non pas d’une science, mais de ses égaremens possibles. Ne condamne-t-il pas la proposition que « l’Église se montre l’ennemie des progrès des sciences naturelles et théologiques ? » Rapprochement d’ailleurs imprévu entre des sciences toutes différentes ! Nous n’en retiendrons qu’une chose, à savoir que l’Église n’est pas l’ennemie du progrès des sciences théologiques, et l’exégèse en est une.