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Il s’empressa donc de reprendre son manuscrit, et, le mois suivant, sans plus attendre, il le publia sous son nom. L’ouvrage dut être bien accueilli du public, il était écrit avec agrément, spirituel et impertinent à souhait ; il répondait au sentiment général et contenait sous une forme piquante les reproches qu’on faisait d’ordinaire à l’Académie. Quel qu’en soit l’intérêt pour la question qui nous occupe, je ne puis songer à l’analyser en ce moment de près et en détail, ainsi que la réponse de Morellet, qui est en son genre un travail fort estimable. Je demande la permission d’y revenir plus tard, quand je pourrai leur donner le temps qu’ils méritent. J’y trouverai l’occasion d’étudier deux personnages curieux qu’il n’est pas inutile de connaître.

La mort de Mirabeau donna aux Académies un répit de plus d’une année ; elles ne furent plus inquiétées jusqu’à la fin de l’Assemblée législative. Les attaques recommencèrent avec la Convention. A peine siégeait-elle depuis deux mois qu’elle fut saisie d’une pétition de « quelques citoyens artistes » qui attaquaient l’Ecole de Rome et son directeur, et qui demandaient subsidiairement qu’on abolît les Académies de peinture et d’architecture. David les appuya chaudement et, devançant les décisions de l’Assemblée, il déposa d’avance sur le bureau son brevet d’académicien, « qu’il n’avait jamais regardé, dit-il, comme le brevet du génie. »

Quelques jours plus tard, le 25 novembre 1792, au nom de la Commission d’Instruction publique, la pétition des « citoyens artistes » fut rapportée par Romme, qui n’hésita pas à leur donner pleine satisfaction sur ce qui faisait l’objet principal de leur requête. « Aujourd’hui, disait-il, dans le style du temps, le masque est tombé ; les géans de l’orgueil sont renversés ; le génie rendu à ses propres conceptions ne fera plus respirer la toile et le marbre que pour la liberté et l’égalité. » Et il accordait aux jeunes gens que la charge de directeur de l’Académie de France à Rome serait supprimée. Quant aux académies de peinture et d’architecture, tout en proclamant solennellement « qu’elles insultent à la Révolution française en restant debout au milieu des décombres de toutes les créations royales, » il n’osait pas encore proposer de les détruire ; on se contenta à sa demande « de suspendre désormais chez elles toutes nominations et remplacemens. » C’était les condamner à une mort prochaine.