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deux fois quand on voulait que je dise oui ; mais on a laissé passer cela, et j’en ai ri en dedans. J’ai protesté si haut contre la damnation des parens, qu’on n’en a pas soufflé mot devant moi. J’écoutais avec attention, et je répondais à mon idée… Ces sortes de spectacles ne vont pas sans des battemens de cœur[1]. »

Chevreau avait écrit à Charles-Louis après la cérémonie : « Toutes les choses se sont passées agréablement et sans contrainte. » Le compte rendu officiel fut moins exact et plus édifiant ; le nonce du Pape à Paris put écrire à Rome : « Madame a l’air d’une très bonne princesse ; on raconte qu’en abjurant, elle donna les signes de la satisfaction la plus vive[2]. » Le Palatinat apprit la nouvelle par une lettre de Liselotte à son père, dont les termes avaient été convenus d’avance : « Monseigneur, je ne doute pas que la profession que je viens de faire de la religion catholique et romaine ne surprenne Votre Altesse Electorale ; que si je n’ai osé lui déclarer ce dessein avant de partir d’auprès Elle, je la supplie très humblement de croire que la seule appréhension de lui déplaire m’en a ôté la liberté, et que tous les avantages du monde n’auraient pu me faire prendre cette résolution, si je n’avais cru le devoir faire pour mon salut[3]… » L’Allemagne protestante connut aussi la réponse de Charles-Louis : « Par la manière dont vous avez vécu avec moi et par la tendresse que j’ai toujours eue pour vous, je m’étais persuadé, Madame ma très chère fille, que vous ne feriez jamais rien qui fût contraire à mes sentimens, ni contre la vérité, dont j’ai eu le soin de vous faire instruire… Après cela, vous pouvez juger avec quel étonnement j’ai dû recevoir la nouvelle que vous me mandez de la profession que vous avez faite à Metz de la religion romaine, et vous ne pouvez nullement douter que ce changement n’ait dû me surprendre. Mais comme c’est Dieu seul qui sonde les cœurs, c’est aussi lui seul qui est le juge des consciences, etc. » Charles-Louis en fut pour ses mensonges compliqués. Le monde protestant refusa d’y croire et qualifia durement sa conduite ; la presse hollandaise, en particulier, ne le ménagea point.

  1. Lettre du 22 mai 1707, à l’Électrice Sophie.
  2. Dépêche du 4 décembre.
  3. D’après une copie conservée au British Museum. Voyez la préface de la Correspondance de l’Électrice Sophie avec son frère, p. XVII. La lettre suivante est tirée du même volume, p. 470. Les deux lettres sont écrites en français.