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Le mariage par procuration se fit le 16 novembre. De la Palatine à Charles-Louis, à sept heures du matin : «… N’ayant que des momens à moi, je crois que vous me permettrez bien, Monsieur, de remettre à M. Chevreau la relation de tout ce qui s’est passé, et de vous dire seulement que notre Princesse sera dans trois heures Madame Royale de France, que tout le monde l’estime infiniment, et qu’il y a toutes les apparences du monde qu’elle sera très heureuse et en état de n’être pas inutile à sa maison… » Chevreau, dans sa relation, appuya davantage sur les succès de Liselotte, et n’oublia point, en courtisan expert, les succès de Carl-Lutz, le petit bâtard de Louise de Degenfeld : «… Mme la Princesse Electorale… a plu généralement à toute la cour qui est ici, et l’on est charmé de la douceur de son esprit et de sa gaieté… M. le Raugrave a été admiré de toutes les personnes qui l’ont vu, et il ne mange qu’avec M. le maréchal du Plessis-Praslin. Il me semble que la manière de France lui plaît assez, et, quoiqu’il soit naturellement un peu timide, on n’a pas laissé de remarquer en lui une grande et honnête liberté à se produire[1]. »

Le soir du même jour, la Palatine informe Charles-Louis que le « mariage de Madame… a été fait avec toutes les cérémonies et les solennités possibles… L’on lui a rendu depuis les mêmes honneurs que l’on aurait fait à la personne du Roi même… et sur le soir on lui a donné le divertissement d’un feu d’artifice. Elle se conduit si bien en toutes les manières, que je ne doute pas qu’elle ne gagne bientôt le cœur de Monsieur son mari et toute l’estime du Roi ; à quoi je contribuerai de tous mes soins, puisque c’est ce qui doit rendre ce grand mariage utile pour votre service et pour la maison… » Dès le lendemain, la nouvelle Madame partait pour Châlons, où son époux devait l’attendre. Ils ne s’étaient jamais vus, et ne savaient pas grand’chose l’un de l’autre.

Philippe, Duc d’Orléans, avait alors trente et un ans. Tel Saint-Simon l’a connu vingt ans plus tard, tel il allait se découvrir aux yeux de Liselotte, un peu moins rondelet seulement : « C’était un petit homme ventru monté sur des échasses tant ses souliers étaient hauts, toujours paré comme une femme, plein de bagues, de bracelets, de pierreries partout, avec une longue perruque tout étalée en devant, noire et poudrée, et des rubans

  1. Correspondance de la duchesse Sophie et de Charles-Louis, p. 467.