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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/855

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l’individu s’épanouit. Ainsi l’individualisme, — qui n’est pas l’isolement, mais implique au contraire association et coopération libres, — apparaît comme le produit naturel d’une sécurité parfaite et comme le fruit d’une civilisation supérieure.

L’histoire, en outre, nous montre que les associations conservent une durée indéfinie aussi longtemps qu’elles répondent à un but de sécurité.

L’aboutissement final est la liberté individuelle pratiquée sous l’égide des lois et ne laissant à l’association que la forme volontaire et temporaire.


Le passé n’a donc connu que la corporation, qui existait en vertu d’un statut imposé d’autorité, dont résultaient des obligations personnelles illimitées dans l’espace et dans le temps. Cette forme primitive delà sociabilité était le produit d’une adaptation naturelle de l’association aux exigences du but principal à poursuivre, qui était alors la sécurité, condition essentielle des activités de l’individu.

Le présent ne conçoit plus d’associations organisées pour la lutte en vue de la réalisation d’une sécurité ou d’une justice dont l’Etat s’est constitué le garant : s’il y avait manqué de sécurité ou de justice, ce serait à l’autorité publique à leur apporter le complément qui serait reconnu nécessaire. Le présent ne peut, ne doit plus connaître que la société établie sur un contrat librement consenti et formulant des obligations réelles nettement déterminées et limitées. L’association contractuelle, forme définitive de la sociabilité, implique pour l’associé faculté d’aller et de venir, d’entrer et de sortir, n’est capable d’aucun but qui ne soit pacifique et ne peut avoir d’autre objet que la coopération dans l’une ou l’autre de ses manifestations : économique, politique, scientifique, religieuse, philanthropique ou autre[1].

  1. Les Syndicats professionnels et Trade-Unions actuels sont des organismes anachroniques, ayant, dans une mesure, atténuée sans doute, mais parfaitement opérante, tous les caractères des corporations. Issus de l’esprit de révolte et organisés pour la lutte, ils ne sont aptes à vivre que dans une atmosphère de lutte. Ce sont des sortes de modernes et laïques congrégations de combat, des « Chevaleries » du Travail, bien plus que des associations économiques.