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propriétaires à court d’argent devraient, eux aussi, se contenter.

Pour comprendre la gravité des conséquences qu’entraînerait une forte dépréciation du coton, il suffira d’observer que l’Egypte importe, non seulement tous les objets manufacturés et tout le combustible qu’elle consomme, mais la majeure partie des matières premières qu’elle transforme et une grande quantité de denrées alimentaires. Le produit de l’exportation du coton, dont la valeur représente environ 85 p. 100 de l’exportation totale, suffit à balancer tout cela, transport compris, et laisse même un excédent qui, en 1902, était égal au quart des arrérages de la dette publique. Ajoutons que la transformation du système des irrigations a permis d’étendre de plus du 12 p. 100 en vingt ans, la surface plantée en cotonniers et de faire bénéficier de cette culture la Haute-Egypte, tout en obtenant un rendement beaucoup plus abondant et beaucoup plus rémunérateur. Il en résulte que l’exportation du coton qui, dans la période 1886-1890, n’atteignait guère que 138 000 tonnes, vendues à raison de 200 millions de francs, s’est élevée en 1901-1905 à 277 000 tonnes, donnant 384 millions. La base du rendement agricole est donc le coton ; le cours de ce produit règle celui de toutes les autres denrées ; le revenu des propriétés en dépend ainsi que leur prix.

Faute d’un peu de confiance et de crédit, la principale source du revenu général va-t-elle tarir à moitié, pendant que pèseront, deux fois plus lourdes, les charges auxquelles, en l’absence de toute industrie, le seul rendement des immeubles permettait de satisfaire ?


IV

À cette question nous n’hésitons pas à répondre non. Nous croyons que la crise ne franchira pas l’enceinte des bourses du Caire et d’Alexandrie, où elle ne tardera pas à se réduire et à s’atténuer. Nous croyons plus fermement encore qu’elle sera une leçon salutaire, et que l’Egypte en sortira assagie et fortifiée.

Insistons de nouveau sur cette observation capitale : le mal que nous avons décrit est purement moral ; le malade jouit d’un tempérament exceptionnellement robuste et sain, mais il est en proie à une de ces mélancolies compliquées d’aboulie et de prostration qui éprouvent parfois les adolescens dont la croissance a été rapide. Pour qu’il reprît volonté et courage, que