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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/322

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« Monsieur mon frère et oncle,

« Je n’avais pas attendu les représentations que Votre Majesté a chargé son ambassadeur de me faire, pour ordonner au chevalier de Chauvelin de marquer à Votre Majesté mon regret et mon mécontentement de l’entreprise téméraire qui a été faite sur le territoire de Savoie. Les ordres que j’ai donnés, et ceux que je suis disposé à donner, mettront, à ce que j’espère, Votre Majesté dans le cas d’être satisfaite. Ma tendre amitié pour Elle et les liens du sang qui nous unissent, me déterminent même à lui témoigner moi-même la sincérité de mes sentimens à cette occasion. J’ai reçu des preuves trop constantes des siens à mon égard, pour n’être pas persuadé qu’Elle voudra bien s’en rapporter à moi du soin de la contenter sur ce qui s’est passé et de prendre les mesures les plus efficaces pour empêcher qu’à l’avenir il n’arrive rien de pareil. Je profite de cette occasion pour renouveler à Votre Majesté l’assurance du désir que j’ai, et que j’aurai toujours, d’entretenir avec Votre Majesté l’union la plus intime et la plus parfaite confiance.

« Je suis, avec l’amitié la plus tendre, de Votre Majesté, le bon frère et neveu,

« Louis. »


Dès que le chevalier de Chauvelin fut en possession de la lettre autographe de Louis XV, c’est-à-dire le samedi 31 mai, il s’empressa d’en aller informer le chevalier Ossorio.

« Le chevalier Ossorio me dit, écrit Chauvelin à Rouillé (2 juin 1755), que le roi son maître sentirait sûrement le prix de l’attention délicate qu’avait le roi son neveu, de lui écrire. » Mais il ajouta « tout aussitôt » « avec vivacité, » « en regardant fixement » l’ambassadeur français :

— C’est fort bien, monsieur, mais ce qui se dit dans l’intérieur du cabinet ne saurait passer pour une satisfaction. La souveraineté blessée par un acte de violence ne saurait être dédommagée et réintégrée que par une action d’éclat. Un détachement est entré à main armée et en pleine paix dans le territoire de Savoie ; il a enlevé, à la face de toute l’Europe, des gens qui devaient se croire dans un asile sacré ; tous les princes, jaloux avec raison des droits attachés à leur indépendance, attendent