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Plusieurs familles de fermiers généraux furent ainsi privées en quelques mois de tous les hommes qu’elles comprenaient. On guillotina, l’un après l’autre, M. de Parseval, puis son frère, M. de Parseval-Frileuse, leur beau-frère M. de Vernan, M. Brac de la Perrière, beau-frère de M. de Frileuse et M. Duvaucel, frère de la première femme de M. de Parseval. Etienne-Marie Delahante, fermier général-adjoint, lui-même en prison, restait seul homme survivant de cette maison nombreuse, et, du fond de son cachot, il devait conseiller et diriger « toute une famille de femmes et d’enfans. »

Mais une année à peine était écoulée, que Dupin proclamait à la tribune de la Convention l’innocence de ceux qu’il avait tant contribué à envoyer au supplice. Pour se justifier, il alléguait les passions surexcitées contre eux. Dupin avait raison. Ces passions avaient été les facteurs essentiels d’un procès où, de l’aveu de ceux-là mêmes qui l’avaient dirigé, les formes les plus élémentaires de la justice avaient été négligées.

Un arrêt rendu par le Conseil d’État, en 1806, établit que, loin d’avoir été les débiteurs du trésor public pour une somme de 107 millions, comme l’avaient affirmé les commissaires de la Convention, les fermiers généraux s’en trouvaient au contraire les créanciers pour 8 millions, quand on avait entamé leur procès.

Les familles des victimes rentrèrent dans leurs biens ; mais elles étaient plongées dans le deuil et le génie de Lavoisier était éteint à jamais.


Telle est la justice des hommes.


FRANTZ FUNCK-BRENTANO.