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ambitieux de la bourgeoisie, et de les transformer en bureaux de placement ministériels. Bebel, à son apogée, annonçait que, pour la première fois, le prochain congrès se tiendrait en Allemagne même, ce qui achevait de consacrer le prestige de la social-démocratie allemande. Mais les événemens allaient provoquer une réaction contre cette hégémonie et la soumettre à une éclipse tout au moins, sinon à une décadence. Il devait en résulter, au Congrès de Stuttgart, une sorte d’équilibre entre les partis.


II

Déjà, au Congrès d’Amsterdam, M. Jaurès, dans son attaque contre Bebel, avait reproché amèrement à la social-démocratie allemande de rester l’arme au pied, de n’exercer ni une action parlementaire, ni une action révolutionnaire, de demeurer, en dépit de sa masse croissante, un parti immobile. À cela Bebel répondait que l’action des socialistes français, dans leur République bourgeoise, octroyée par Bismarck, ne leur avait pas fait faire de si grands progrès, que les social-démocrates allemands, sous leur régime impérial, eussent sujets d’en être jaloux ; bien loin de là. « Attendez, ajoutait-il, que nous ayons encore gagné trois millions de voix et vous verrez. »

Mais les élections au Reichstag de janvier et de février 1907 sont venues ruiner cet argument péremptoire. Jamais les social-démocrates allemands n’avaient subi un pareil échec. Ils ont perdu la moitié de leurs députés, et il ne leur en serait resté que le quart, si le Centre n’était venu à leur secours. Le nombre de leurs électeurs s’était sans doute accru, mais dans une proportion bien moindre que celle des autres partis. Tous les partis bourgeois, à l’exception des catholiques, s’étaient coalisés contre eux.

Cette écrasante défaite contrastait avec la surprenante victoire des socialistes autrichiens, qui faisaient entrer 87 des leurs dans le premier Reichsrath élu en Autriche par le suffrage universel. Les socialistes autrichiens recevaient ainsi la récompense de leurs campagnes d’agitation, hors du Parlement, et de grèves pour l’élargissement du droit électoral. Sans doute cette nouvelle arme de la grève politique, qui répugne si fort aux Allemands, avait échoué en Belgique, en 1902, en Suède et en Hollande,