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de Bruxelles, en 1868, César de Paepe proposa le refus du service militaire et la cessation de tout travail. Rochefort, dans la Lanterne, indiquait la même méthode. Le 23 juillet 1870, lors de la déclaration de guerre entre la France et l’Allemagne, Karl Marx déclara dans un manifeste que l’Allemagne ne faisait que répondre à une attaque. Les socialistes lassalliens acclamèrent la guerre ; mais les marxistes, Bebel et Liebknecht, protestèrent contre sa continuation après Sedan et contre l’annexion de l’Alsace-Lorraine ; ils payèrent par la prison leur démonstration courageuse. Au second Congrès de Bruxelles, en 1891, un prédicant Hollandais, Domela Nieuwenhuis, précurseur de l’hervéisme, se fit l’apôtre de la grève militaire. Il fut combattu par les marxistes. Une tentative de ce genre, œuvre d’une infime minorité, serait aussitôt écrasée. Le militarisme a ses racines et ses causes dans la société capitaliste. Tout en combattant ses excès, les socialistes ne le transformeront que dans la mesure où ils ébranleront la société capitaliste elle-même, quand, par le service obligatoire universel, ils rempliront l’armée de leurs partisans, et lorsque enfin ils seront parvenus à substituer aux armées permanentes des milices purement défensives. Un des argumens qui firent le plus d’impression sur le congrès, fut celui du Russe Plekhanow : la grève militaire, en France et en Allemagne, si elle était couronnée de succès, tournerait au profit du tsarisme et des Cosaques, inaccessibles à cette propagande.

Au cours de ces dernières années, le problème de l’antimilitarisme a pris une tournure pratique, par suite de la guerre russo-japonaise, de la révolution russe, et des événemens du Maroc. De nouveaux points noirs surgissent à l’horizon. Les jalousies et les rivalités nationales amènent l’augmentation des flottes et des armées. D’autre part, plus le mouvement prolétarien et l’organisation syndicale gagnent en extension, plus la bourgeoisie voit dans l’armée le moyen de maintenir sa domination, de tenir en respect l’ennemi intérieur. Aussi s’efforce-t-elle de fortifier l’esprit militaire, de faire de l’armée un instrument sans volonté, destiné à défendre les intérêts du capital au dedans et au dehors. Il s’agit donc d’éclairer les masses sur les dangers du militarisme et, à l’approche de difficultés guerrières, d’opposer aux « patriotes d’affaires, » comme ils disent, la solidarité du prolétariat international, aux querelles des nationalités