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Cette disposition l’a poussée à chercher ses appuis parmi les gens professant les mêmes répugnances. Elle a cru beaucoup trop, je pense, qu’ils s’arrêteraient au même point qu’elle, et a désiré voir le pouvoir entre leurs mains.

Elle a travaillé à le leur faire remettre. Les Laffitte, les Barrot, les Dupont n’ont pas eu de plus chaud partisan dans les commencemens. Et la ténacité de son caractère, la volonté de parti pris, en elle, de ne point abandonner les gens que les circonstances semblaient accuser, et de leur toujours supposer de bonnes intentions, les lui a fait soutenir à un point, qui, pendant un temps, a beaucoup nui à son influence sur l’esprit du Roi.

Elle l’a senti, elle en a souffert ; mais elle n’a pas changé. C’est ainsi qu’elle est faite.

On l’accuse d’être peu généreuse, il y a du vrai et du faux. Jusqu’à la mort de sa mère, Mademoiselle ne possédait rien, et vivait aux dépens de son frère : la parcimonie était alors une vertu.

Depuis qu’elle jouit d’un revenu considérable, elle dépense honorablement, elle emploie des artistes, elle fait travailler dans ses terres. Elle fait énormément de charités ; mais elle n’a pas les habitudes de la magnificence et ne sait pas dépenser royalement, même lorsque ce serait convenable. Elle calcule trop exactement pour une princesse.

Mais aussi au commencement de la nouvelle royauté, lorsqu’il fut d’abord question de fixer la liste civile, le baron Louis étant venu lui demander si elle se contenterait d’y être portée pour un million, elle se récria comme s’il lui faisait injure, en protestant que sa fortune personnelle suffisait, et par delà, à tous ses vœux.

Mademoiselle porte à ses neveux une affection que j’avais crue complètement maternelle jusqu’à la mort du petit duc de Penthièvre[1]. Il avait sept ans et était presque en imbécillité.

Mme la duchesse d’Orléans fut au désespoir de cette perte. Mademoiselle ne feint jamais un sentiment ; elle était peinée du chagrin de sa belle-sœur, mais tenait et disait la mort de cet enfant une délivrance pour tous.

C’est la seule nuance que j’aie observée dans la tendresse des deux sœurs pour les enfans. Peut-être même y a-t-il plus de

  1. Charles-Ferdinand-Louis-Philippe-Emmanuel d’Orléans, duc de Penthièvre, né à Paris le 1er janvier 1820.