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Pour attirer et retenir son gendre auprès de lui, M. Chevreux lui avait cédé son emploi de Receveur des décimes. Clément de Ris se fixa donc à Tréguier. Le cadre eût semblé étroit à cet esprit mobile, épris de nouveautés, curieux des choses de l’intelligence, tourmenté par un incessant besoin d’activité, s’il n’avait retrouvé là un ancien condisciple, familier de la maison paternelle, un de ces hommes avec qui l’on ne pouvait avoir contact sans subir son influence, et qui resta l’ami, le confident et le conseiller de toute sa vie. C’était l’abbé Sieyès, alors chanoine et secrétaire intime de l’évêque. Entre ce dernier et Clément de Ris s’établirent également des relations suivies, que celui-ci s’appliqua à entretenir d’autant mieux qu’en Mgr de Lubersac, aumônier du Roi, il voyait un protecteur éventuel, si, un jour, l’ambition lui venait de se pousser dans les hauts emplois de l’Etat ou dans les offices de Cour.

Cette ambition vint. Elle était toute venue quand, en décembre 1781, la mort de M. Chevreux brisa le dernier lien qui attachait Clément de Ris à Tréguier. Cependant, dix-huit mois s’écoulèrent encore avant qu’il rentrât à Paris, où, après maints projets formés, quittés, repris et abandonnés derechef, il se détermina pour l’achat d’une charge de Maître d’hôtel de la Reine (avril 1786). Il entra aussitôt en fonctions, et, désireux de se rapprocher de Versailles, sans toutefois s’y fixer, obtint la location, moyennant un bail à vie, d’un appartement au château de Saint-Germain. C’est là que le trouvèrent les premiers événemens de la Révolution. Ils le jetèrent dans un grand embarras.

Son éducation, ses goûts, ses accointances avec le monde du Parlement, son intimité avec les Sieyès, les Target et autres du même bord, son affiliation à la Franc-Maçonnerie, le rangeaient parmi les partisans convaincus, — et même avancés, — des réformes. L’intérêt de sa fortune, les grosses affaires dans lesquelles elle était engagée et dont la prospérité était liée au calme politique, sa charge à la Cour, cette installation à échéance indéfinie à Saint-Germain, tout cet édifice échafaudé avec une persévérance et une ambition où la naïveté et la vanité avaient égale part, semblait exiger que le mouvement réformiste s’arrêtât à l’octroi des libertés jugées nécessaires, mais n’allât pas jusqu’à précipiter l’institution royale. Comment ne pas craindre qu’une