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soutenir la concurrence et maintenir leurs positions. Les nouvelles lignes allemandes n’y trouvent certainement pas non plus leur compte ; mais nous avons montré pourquoi et comment elles peuvent travailler longtemps sans bénéfices ; il suffit aux industriels et aux banquiers qui sont leurs principaux actionnaires que la baisse des frets assure des avantages à l’exportation.

La conquête de la Méditerranée ne suffit pas aux Allemands ; ils ont encore voulu montrer le pavillon et fonder des agences dans les ports turcs de l’océan Indien et du golfe Persique ; ils ne veulent pas attendre l’ouverture du chemin de fer de Bagdad pour se créer des intérêts dans l’Irak. La Hambourg-Amerika a inauguré, le 14 juillet 1906, avec le Kanadia, un service mensuel entre Hambourg et le golfe Persique avec escales à Anvers, Marseille, Port-Saïd, Port-Soudan, Djibouti, Aden, Mascate, Bender-Abbas, Lingah, Bender-Bouchir, Bassorah. Jusqu’ici le monopole du commerce et de la navigation dans le golfe Persique appartenait aux Anglais[1] ; seuls les bateaux de la Compagnie russe de navigation et de commerce, subventionnée par l’Etat, y venaient plutôt montrer leur pavillon que chercher des marchandises. Entre les compagnies anglaises et la ligne allemande, la guerre de tarifs est ouverte. Le fret, qui était de 30 francs la tonne, de Marseille à Mascate, par l’Arabian C°, est tombé à 15 francs la tonne d’Anvers à Mascate. Les Allemands ne négligent aucune précaution pour gagner la clientèle ; ils ont choisi pour commander le Kanadia un capitaine parlant le persan ; à Mascate, ils se sont assuré les services du même agent que la compagnie anglaise ; ils attachent une grande importance à faire du commerce dans le golfe Persique et à Bagdad, futurs points d’aboutissement du chemin de fer dont ils veulent pouvoir dire « notre chemin de fer. » A Bagdad il n’existe qu’une seule maison allemande qui fasse quelques affaires, encore vit-elle surtout de la représentation d’une raffinerie marseillaise ; le commerce allemand y est presque insignifiant ; il a été, en 1905, de 6 à 700 000 francs à l’importation, et de 3 à 400 000 francs à l’exportation ; le nôtre dépasse deux

  1. The Anglo Arabian and Fersian C°. — The Persian Gulf Steamship line. — The Bombay and Persian Steam navigation C°. — The Wert Hartlepool Steam navigation C°. — The British India C° (cette dernière subventionnée par l’État). Le mouvement du port de Bassorah en 1905 a été de 130 vapeurs jaugeant 138 000 tonnes, dont 124 anglais jaugeant 132 000 tonnes.