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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/394

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ou même à n’importe quel impérialisme ; puisque tout impérialisme a pour levier la « volonté de puissance » avec ses pires abus, comme Nietzsche l’a démontré. N’irait-elle pas, à l’inverse, se fondre dans cet idéal de charité chrétienne, de désintéressement et de détachement, que Tolstoï en devait tirer pour en faire sa doctrine de la non-résistance au mal, dont il n’est pas nécessaire de marquer les attaches avec celle de la bonté originelle de l’homme ? M. Seillière a fort bien résolu cette grave contradiction, dans une de ses pages les plus pénétrantes[1] : la « bonté rousseauiste, » nous dit-il, avec ses apparences sentimentales, ses attendrissemens et ses larmes faciles, est, « en réalité, un cri de guerre, une explosion de haine, de vengeance et de mépris. » Et il continue :


Dire : L’homme est raisonnable, ce n’est encore qu’une assertion assez égalitaire, car on ne saurait refuser sérieusement la raison aux privilégiés de l’ordre social. Dire au contraire : L’homme naturel est bon, en ajoutant sans cesse que le noble et le riche sont mauvais, c’est dire : L’homme du peuple, le plus rapproché de la Nature par sa capacité, sa vie, ses tendances, est, non pas un attardé qui peut et doit s’élever à la force du poignet sur le degré de la pyramide sociale que d’autres ont gravi plus lestement que lui ; tout au contraire, un aristocrate passagèrement méconnu, odieusement atteint dans ses privilèges de caste, et qui régnera demain par la seule grâce de son droit divin, sans avoir rien à changer auparavant à sa personnalité accomplie !


Cette vue, que je crois neuve, sinon indiscutable, conduit M. Seillière à rapprocher l’impérialisme plébéien de l’impérialisme de race de Gobineau. En fait, les deux doctrines se rencontrent, par la méthode sinon par les résultats ; et l’on a le sentiment de deux esprits dont la marche est tout à fait semblable. « Chez l’un et chez l’autre, dit M. Seillière, l’interprétation du passé, l’appréciation du présent, parfois la prévision de l’avenir s’élaborent sous l’influence de la même inspiration, à la fois utilitaire et mystique. Là où le premier songe à pousser en avant le plébéien, le second se préoccupe de recommander l’Aryen ; et chacun de louer avec la même complaisance, souvent avec le même parti pris, la divinité tutélaire qu’il s’est faite à l’image de son rêve ambitieux (p. 200-201). » On pense à ces Sages de l’antiquité, qui cherchaient les principes

  1. P. 194-96.