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ensemble. On jugea, non sans raison, car il n’y avait pas d’autre explication possible, que c’étaient les corps d’Edouard V et de son frère Richard. Le Roi les fit transporter à Windsor, dans la chapelle Saint-George, où ils reposent encore. Que ces deux enfans ne sont jamais sortis vivans de la Tour, ce point est hors de doute. Comment, quand et de quelle main ont-ils péri ? La chronique de Thomas More, rédigée d’après les souvenirs plus ou moins exacts, plus ou moins sincères du cardinal Morton, nous raconte que, vers le mois d’août, le roi Richard III se sentit chanceler sur son trône. Des mouvemens insurrectionnels s’annonçaient de différens côtés, ayant pour objet la délivrance des prisonniers de la Tour et la réintronisation d’Edouard V. Un jour Richard s’écrie, devant un de ses pages, qu’il ne régnera pas en paix tant que ces enfans vivront. Sur quoi le page remarque qu’il y a par là, rôdant près de la Cour, un homme prêt à tout, nommé Tyrrell. On fait venir ce Tyrrell, on s’entend avec lui. Brackenbury, le gouverneur de la Tour, reçoit l’ordre de livrer, pour quelques heures, ses pouvoirs et ses clefs à James Tyrrell. A son tour, celui-ci engage deux ou trois misérables qui, introduits dans la chambre des jeunes princes, les étouffent avec les oreillers de leur lit. Puis, chacun des meurtriers est récompensé, suivant l’importance de son rôle dans la tragédie, et leur chef, Tyrrell, reçoit les honneurs de la chevalerie.

Ce récit est chargé d’invraisemblances et d’erreurs. James Tyrrell avait été fait chevalier plusieurs années avant le crime. Il était déjà fort avant dans la confiance de Richard et commandait à ces pages dont l’un est censé l’avoir signalé au Roi. En découvrant que ce récit contenait des détails manifestement erronés, Walpole a été amené à douter que le fond fût vrai. Mais, à ce compte, combien de faits absolument établis auraient à disparaître de l’histoire, parce qu’un narrateur, dénué de critique ou mal informé, aurait mêlé à des événemens réels quelques circonstances imaginaires ! Pour la première fois depuis que nous avons commencé cet examen, nous nous trouvons en présence d’un document précis : je veux parler de la confession de James Tyrrell. Cet homme, s’étant glissé dans la faveur du nouveau roi, fut chargé par lui de diverses missions assez importantes. Puis il tomba en disgrâce et, finalement, fut condamné à mort et exécuté pour haute trahison. A sa dernière heure, il confessa son premier crime et raconta comment il avait été induit à le commettre.