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On dira peut-être que cette confession lui fut extorquée par des menaces ou par des promesses. Mais de quoi peut-on menacer et que peut-on promettre à un homme dont l’échafaud est déjà dressé ? Les hommes du XVe siècle mentaient aussi facilement que les hommes du XXe, mais ils disaient la vérité au moment de mourir, parce qu’ils se croyaient sur le point de comparaître devant un autre tribunal où la feinte ne servirait de rien. Ne leur retirons pas ce quart d’heure suprême de sincérité.

Sir Cléments Markham n’est pas de cet avis. Il refuse de tenir compte de la confession de James Tyrrell et veut que les deux jeunes prisonniers fussent encore vivans à la fin du règne de Richard.

A l’appui de cette affirmation, il nous apporte un compte de tailleur qui avait fourni des habits, — et même fort luxueux, — à « Mylord bâtard ; » compte réglé, semble-t-il, à une époque bien postérieure à celle qu’on assigne généralement au meurtre d’Edouard V et de son frère. « Mylord bâtard » ne peut être, suivant sir Cléments, que le fils, déclaré illégitime, du dernier roi. Ce titre étrange, ce nom à la fois infamant et honorifique ne choquait nullement les oreilles des contemporains. Il avait déjà été donné à d’autres, témoin le brave Faulconbridge et, en cherchant, je trouverais d’autres exemples. Aussi bien, en aucun temps, les notes de tailleurs n’ont été réglées le jour même où elles ont été présentées et, dans celle dont il s’agit, rien ne nous avertit que le porteur de ces beaux habits fût encore de ce monde. Le document est donc d’une valeur fort discutable et, cependant, sir Cléments part de là pour bâtir toute une théorie qui ferait de Henry VII le véritable meurtrier de ses deux beaux-frères. Henry VII, que Shakspeare a embelli et idéalisé en bon courtisan des Tudors qu’il était, fut, en réalité, un fort vilain homme, et je me garderai de dire qu’il était incapable d’une telle action. Mais enfin rien ne l’accuse, et le plus récent historien de cette tragique époque me paraît avoir substitué à un fait à peu près prouvé une hypothèse qui ne repose sur aucun document sérieux. Il m’est donc impossible de le suivre sur ce terrain et je retourne ici définitivement vers M. Gairdner aux conclusions duquel je dois m’associer. Comme je l’avais fait pressentir, toute la réhabilitation de Richard s’écroule à cet endroit. Car, si le lecteur s’en souvient, nous n’avions pu lui accorder, en ce qui touche la mort de Henry VI, que le bénéfice